

6.Battement d'ailes
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6.Battement d'ailes
Le jour où les oiseaux se sont tus
Chapitre 6: Battement d'ailes
Ce soir là, Merle avait redonné espoir au pauvre quadragénaire qui – accompagné de son petit ange gardien – se sentait pousser des ailes. Leur projet était de libérer la bête vert-de-gris, un acte simple qui portait pourtant un profond symbolisme. En faisant cela, Crow ne réparait pas ce qu'il avait fait aux oiseaux – c'était tout bonnement impossible – mais il permettait au moins à leur dernier survivant de retrouver cette vie qui lui avait été arrachée. Cet acte n'enlevait en rien la culpabilité du scientifique qui avait décimé son espèce, mais cela lui permettait d'affronter ses responsabilités et de regarder bien en face sa lâcheté.
Merle avait totalement transformé l'ancien biologiste et elle en avait fait un homme nouveau. Si autrefois il fuyait la compagnie de autres et passait ses journées à remuer les souvenirs douloureux de son passé, la fillette avait écarté cette solitude qui le rongeait et dissipé de son sourire le brouillard d'amertume qui l'enveloppait, insufflant un espoir vivifiant à ce cœur tuméfié. Il avait arrêté de se négliger. Il avait taillé sa barbe broussailleuse puis sa crinière de cheveux laineux et avait abandonnée sa vielle casquette pour se couvrir d'un chapeau aussi propre que les nouveaux vêtements qu'il avait enfilé. Il était comme revenu à la vie et avait laissé derrière lui cette rancune qui l'avait empêché de s'ouvrir au monde. Merle avait assisté à cette transformation d'un œil ravi et éprouvait une joie toute enfantine à voir cet homme renaître. Si Ulrich avait trouvé en elle la fille qu'il avait toujours voulu, elle avait trouvé en lui le père qu'elle avait tant cherché et ces deux êtres s'étaient comme réunis après des années à tâtonner dans le noir.
Tandis que le soleil se couchait sur la ville sans visage, les deux compagnons avançaient lestement dans les rues vides qui se peuplaient peu à peu de monde. Crow avait pris l'habitude de raccompagner chaque soir la fillette devant la taverne de sa mère où il la laissait avant de s'en aller. Mais cette fois-ci, il y avait une silhouette qui se détachait du seuil de l'établissement, les poings sur les hanches et le regard furieux.
En reconnaissant sa mère, les yeux de la fillette s'illuminèrent et elle courut à elle pour entourer sa taille de ses petits bras. Ulrich intimidé par cette expression austère, s'arrêta à quelques pas de la tavernière et retira respectueusement son chapeau qu'il tint entre ses doigts crispés.
- Maman, débuta tout sourire la petite fille, je te présente M. Ulrich-Emanuel Ndeke, c'est un scientifique très intelligent et très gentil. Il est allé me faire voir le dernier oiseau, c'était incroyable !!
Balbutiant un petit "bonjour", l'intéressé tendit fébrilement sa main à la tenancière qui la toisa dédaigneusement sans esquisser le moindre geste.
- Ne t'avise plus jamais de t'approcher de ma fille, ivrogne.
Crow reçut ces mots acerbes en pleine face comme s'il se fut s'agit d'un soufflet. Surprise, Merle releva la tête et sembla enfin remarquer l'expression de profond mépris mêlé de haine figée sur le visage de sa mère.
- Mais maman... dit-elle plaintivement.
- Reste en dehors de tout ça toi ! répliqua sèchement la femme d'un ton cinglant.
Puis, écartant sans ménagement sa fille elle se tourna de nouveau vers le quadragénaire, le regard enflammé.
- Tu n'es qu'un sale ivrogne complètement fou et qui raconte des mensonges à longueur de journée. Je ne veux pas que mon enfant reste avec quelqu’un comme toi et je t'interdis de t'en approcher. Si à l’avenir je te vois encore tourner autour d'elle comme un vautour je te dénonce aux autorités ! Ai-je été assez claire vieux corbeau ?
L'intéressé demeurait figé devant cette femme dont le regard flambait de rage et qui semblait le consumer. Impuissant face à sa colère, les ailes brisées, Crow ne put qu'incliner la tête et – malgré son cœur lourd – bredouillant des excuses, tourna le dos pour s'éloigner. Merle, terrifiée par ce qui venait de se passer et horrifiée à l'idée de ne plus pouvoir revoir son seul et unique ami, tira en pleurnichant sur le tablier graisseux de sa mère qui ne lâchait pas l'inconnu des yeux.
- Non maman s'il te plaît, ne fais pas ça !! Ce, ce n'est pas un ivrogne, il est gentil, je te le promets !! Il, il...
- Merle je t'ai déjà dit de rester en dehors de tout ça !
- Mais maman tu ne comprends pas ! Il n'est pas méchant et c'est mon seul ami ! Il est le seul à rester avec moi et il a bien voulu s'occuper de moi quand je n'avais personne.
Les yeux pleins de larmes, la fillette continuait de supplier sa mère qui semblait sourde à ses sanglots.
- Tu travailles tout le temps et je ne te vois jamais. En plus les autres enfants se moquent de moi en disant que je ne suis qu'un avorton sans papa. Je suis toute seule et lui aussi. Et même si je lui ai dit que je le détestais, c'est faux parce que moi je l'aime bien et, et j'aime bien rester avec lui. Il est si sage et connaît tant de choses qu'il m'apprend ce que nous ne saurons plus jamais, il m'explique ce qui est arrivé au monde et grâce à lui, je serai un peu plus qu'une petite fille esseulée. Et grâce à lui, peut être qu'un jour on saisira de nouveau ce que c'était d'entendre les oiseaux chanter...
L'enfant continuait de pleurer mais sa mère ne lui accordait pas un regard. Quand Ulrich eut disparu, elle finit par se tourner et, attrapant brutalement le bras de sa fille, la traîna dans la taverne où ses sanglots moururent quand elle claqua la porte derrière elle.
De nouveau seul, Crow sentit son cœur s'émietter et dut se mordre la lèvre pour éviter de verser lui aussi une larme. Enfonçant son chapeau sur sa tête jusqu'à s'en couvrir les yeux, le quadragénaire pressa le pas pour rentrer dans sa cour où il s'enferma. Là-bas, il demeura de longues minutes dans le noir, le regard perdu, avant de soupirer douloureusement.
Il avait atrocement mal à la poitrine et aurait pu prendre ce symptôme pour une crise d'angor s'il n'avait pas su que c'était son cœur qui s'était brisé. Il se sentit subitement épuisé et, la tête lourde, il décida de s'allonger à même le sol, juste en dessous du trou de son toit, juste en dessous du ciel. Il contempla longuement l'immense firmament qui – n'ayant pas d'étoiles – était aussi vide que lui, avant d'abaisser ses paupières et de sombrer dans un étrange sommeil sans rêve.
Quand il rouvrit les yeux, le soleil n'était pas encore levé et le ciel était teinté d'une ténue couleur orangée. Il était encore extrêmement fatigué mais il n'arrivait plus à trouver le sommeil qui semblait le fuir, comme son passé. Ce fut alors qu'il se rendit compte qu'il y avait quelque chose de chaud blotti contre lui.
Se redressant en sursaut, il faillit défaillir quand il vit Merle qui, roulée en boule à ses côtés, dormait à poings fermés. À cette vue Crow eut un élan de joie, rapidement remplacé par une pesante perplexité. La petite fille, visiblement dérangée par le brusque sursaut de l'homme, se mit à remuer et se frotta les yeux avant de les ouvrir et de les poser sur lui.
- Mais que fais-tu ici petite ?! Ta mère va s'inquiéter !
- M'en fiche. répliqua-t-elle en baillant à s'en décrocher la mâchoire. De toutes façons elle ne s'occupe jamais de moi et quand je disparais elle ne s'en rend même pas compte.
Puis s'étirant, Merle se mit d'un bond sur ses pieds et arrangea les plis de sa robe en chantonnant.
- Si elle savait que tu étais avec moi, elle se fâcherait. lui fit pourtant remarquer l'ancien scientifique.
- Elle ne le saura jamais, répondit-elle espièglement, et puis de toutes façons, elle ne peut pas m'empêcher de voir mon meilleur ami. Toi au moins tu t'occupes de moi et quoi qu'elle dise, tu es le seul à bien vouloir me guider.
Ému, Ulrich voulut pendre la petite fille dans ses bras mais cette dernière s'était déjà éloignée et semblait s'impatienter
- Allez le vieux ! Dépêche toi de te lever ! Je te signale qu'on a un oiseau à délivrer.
Souriant, l'intéressé s'exécuta et, prenant son chapeau, il s'empara de son ancienne casquette qu'il enfonça sur la tête de la fillette.
- Tiens et garde la baissée. Comme ça personne ne saura qui à fait le coup. Tu sais que si tu viens avec moi petite oiseau tu risques d'y laisser des plumes.
- Mais je n'en ai même pas de plumes !
- C'est une expression idiote.
Puis, ouvrant résolument la porte, Ulrich laissa entrer dans la cour le jour naissant qui illumina son visage. Souriant à la fillette, il sortit le premier dans la rue déserte et embrassa la ville encore endormi d'un regard enflammé. Il était enfin temps pour lui de déployer ses ailes et de s'envoler.

