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Épisode 2 : Dure réalité

Épisode 2 : Dure réalité

Pubblicato 28 mag 2024 Aggiornato 6 giu 2025 Romance
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Épisode 2 : Dure réalité


POV Lili


Pathétique. Trois semaines seulement après mon arrivée, me voilà déjà enfermée dans les toilettes du lycée à pleurer toutes les larmes de mon corps. Pour un garçon que je ne connais même pas. Que je ne devrais pas même envisager d'approcher. Pas après tout ce que j'avais traversé. J'étais censée prendre soin de moi et oublier ce cauchemar qu'était ma vie avant de venir ici. À LakeCity.


La version officielle : nous avons déménagé, mon père et moi, pendant l'été à cause d'un nouveau partenariat. Ce n'était pas vraiment un mensonge, il avait eu une opportunité de collaborer avec l'un des plus grands noms de la technologie et, pour assurer la pérennité du contrat, mon père devait délocaliser le siège de son entreprise ici même. Mais en réalité, je l'avais supplié de me laisser quitter mon ancien lycée. Je ne supportais pas l'idée d'y rester deux années de plus, pas après tout ce qui s'était passé. Je n'avais pas la force de tous les affronter.


— Ouvre-moi, Lili... implora Anny de l'autre côté de la porte.


Je ravalai mes sanglots et pris du papier toilette pour sécher rapidement mes larmes. Je devais avoir l'air pitoyable avec mon mascara tachant mes joues et mes yeux rouges et gonflés. Malgré tout, je ne pouvais pas rester cachée ici éternellement. Je me refusais de rester dans ce rôle de victime que j'endossais parfaitement depuis plusieurs mois déjà. J'en avais plus qu'assez. Je n'avais pas tout quitté pour vivre comme une peureuse, une recluse.


Résignée, je me levai pour ouvrir la porte. Anny entra doucement, comme si elle craignait de m'effrayer. Elle examina mon visage, sans jugement, et soupira douloureusement avant de s'approcher pour m'enlacer.


— Je suis désolée... murmura-t-elle à mon oreille.

— Pourquoi ? sanglotai-je malgré moi.


Elle s'écarta pour croiser mon regard et essuya une larme sur ma joue d'une manière tendre, presque maternelle. Un mince sourire sur ses lèvres.


— Parce que tu es tombée sous le charme de Logan... J'aurais dû te prévenir et te protéger. Je suis une amie effroyable.


Je l'observai, perplexe, ne pouvant retenir un ricanement nerveux. Personne jusqu'à présent, à part mon père, ne se souciait réellement de moi. Une chaleur réconfortante envahit mon cœur et je me sentis soudainement plus légère.


— Ne dis pas ça... C'est juste que ça m'a rappelé [sanglot]...

— Chut, m'ordonna-t-elle doucement. Ne dis rien si tu n'es pas encore prête. Et en attendant, fais-moi signe si tu veux que je botte le cul de mon cher cousin !


Un rire semblable à un grognement de cochon s'échappa de ma gorge. Juste par sa présence et son amitié, Anny me redonnait le sourire. Elle était un ange. Une bénédiction.Ma bénédiction... Et j'aurais aimé être capable de me confier à elle à cet instant, mais c'était encore trop dur. J'étais encore trop écorchée.


Logan... Je connaissais parfaitement ce genre de type. Un tombeur aux manières affables et raffinées, jusqu'à ce qu'il obtienne ce qu'il désire. Ensuite, dans le meilleur des cas, il vous ignore, dans le pire, il vous brise. Éric était de ceux qui brisent... Et il ne m'a pas épargnée.


6 mois plus tôt...


— Salut, Lili ! me salua Éric avec son éternel sourire charmeur. Prête pour nos révisions ? Je dois cartonner à cet examen sinon l'entraîneur ne va pas me lâcher du semestre.

— Bonjour, Éric, souflai-je timide et rougissante. Oui, j'ai préparé de quoi t'aider...

— Merci, tu es adorable ! dit-il en posant sa main dans le bas de mon dos et me guidant vers notre table.


C'était devenu notre routine. Confortable et déconcertante. Depuis bientôt deux mois, nous nous retrouvions après les cours, chaque mardi et jeudi, à la bibliothèque pour travailler ensemble. Un duo improbable qui faisait encore jaser les autres — moi, l'intello coincé et lui le sportif populaire. Je suppose que nous trouvions tout deux notre compte : je l'aidais à garder ses notes au-dessus de la moyenne pour continuer à jouer au football et, lui, me m'offrait la possibilité de présenter un dossier impeccable pour décrocher une bourse d'études dans une école prestigieuse — le mentorat était l'une des expériences les plus appréciées et recherchées par les doyens d'université. C'était du gagnant-gagnant. Du moins au début.


Les premières séances étaient... compliquées. On se parlait à peine, tous deux bien trop énervés d'avoir à supporter la présence de l'autre sous peine de sanctions. Et, bien évidemment, chacun avait ses préjugés : lui, me trouvait coincée et hautaine — selon ses propres termes ; quant à moi, je le pensais immature et suffisant. Mais j'ai pris sur moi, mis de côté ma rancœur, comme me l'avaient si subtilement suggéré le coach et le proviseur. Je n'avais pas le droit à l'échec, Éric était l'élément phare de notre lycée. Je n'aurais pas de seconde chance et devrais dire adieu à toute recommandation de leur part si Éric ne redressait pas la barre rapidement.


Un soir, alors que nous travaillons sur la dernière leçon d'informatique sur son ordinateur, une photo totalement ridicule de lui en caleçon, la tête dégoulinante d'une substance verdâtre, apparut sur son écran. J'aurai dû pouffer de rire, me moquer de lui, mais sa réaction me surprit et me fit presque pitié : il était profondément embarrassé, s'efforçant désespérément de faire disparaître l'image avant de se résigner à fermer son portable. À cet instant, il n'était pas le garçon sûr de lui et impassible. C'était tout l'inverse, il semblait blessé et fragile. Mais avant qu'il ne plie ses affaires et ne disparaisse, j'ai repris mes explications du cours et fis comme si je n'avais rien vu. Comme s'il ne s'était absolument rien passé. Il lui avait fallu quelques minutes pour se détendre et se remettre au travail, mais après ça tout était différent entre nous.


Au fil des séances, nous nous sommes rapprochés et j'ai appris à le connaitre. En réalité, Éric était doux, attentif et prévenant. Un parfait gentleman, contrairement à toutes ces rumeurs qui couraient sur lui. Dans les couloirs du lycée, on le décrivait comme un play-boy qui faisait succomber toutes les filles qu'il rencontrait. Mais lors de nos séances, c'était un jeune homme craquant, presque gauche, qui faisait fondre mon cœur.


— Au fait, il y a une soirée demain. Ça te dit de venir ? Ça te ferait du bien de sortir un peu de tes livres. Juste une heure... dit-il en faisant sa moue de petit garçon.


Il m'était impossible de lui résister. De dire non à ses yeux de chien battu. Alors, j'ai acquiescé d'un hochement de tête, avant de me replonger dans ma lecture. Je sentais le rouge me monter aux joues et je remerciais intérieurement l'obscurité environnante.


— C'est parfait ! Tu seras ma cavalière, annonça-t-il joyeusement. Je passerai te prendre chez toi à 19 heures.


Mon cœur battait la chamade et mes mains étaient moites. J'avais un rendez-vous avec Éric. Moi, la nerd invisible avec le beau gosse du lycée. Cela me semblait irréel. Lui, qui ne fréquentait que des pom-pom girls si jolies, si parfaites, s'intéressait à moi, l'intello coincée. Je risquai un coup d'œil dans sa direction et le trouvai déjà en train de me fixer avec un grand sourire. Quand nos regards se sont croisés, il me fit un clin d'oeil. Mal à l'aise, je toussotai et lui fis signe de se concentrer sur son devoir. La bibliothèque fermait dans trente minutes et nous avions encore beaucoup de travail.


Le lendemain, j'étais une véritable boule de nerfs, à la fois stressée et excitée. Dans ma chambre, entourée de mes peluches et de mes livres, je me préparais pour ma première fête. Ma première soirée loin de la maison. J'étais impatiente. Impatiente de découvrir ce que cela faisait de se sentir intégrer et de participer de me retrouver aux côtés d'Éric, loin de cette bibliothèque sombre et poussiéreuse. J'avais envie d'apprendre à mieux le connaître et de rencontrer ses amis. Mais j'avais peur de ne pas me sentir à ma place.


— Ma chérie, il y a un jeune homme qui vient d'arriver pour toi, cria mon père en bas des escaliers.


19 heures. Pile à l'heure. Je vérifiai une dernière fois mon apparence dans mon miroir. J'avais choisi pour une petite robe bleue que j'avais héritée de ma mère, avec ses fines bretelles, son décolleté élégant et sa coupe juste au-dessus du genou. J'étais plus ronde que ma mère, alors elle épousait bien mes formes, surtout au niveau de la poitrine, mais je m'étais toujours sentie belle dedans. Mes cheveux étaient noués en une haute queue de cheval, et j'avais complété ma tenue avec une veste en jean blanc et des sandales à talons compensés. Pour le maquillage, j'avais opté pour la simplicité : juste une touche de gloss sur les lèvres.


Lorsque j'apparus, mon père m'a souri. Il déposa un baiser sur ma joue et me chuchota à l'oreille que maman aurait été fière de la belle jeune femme que j'étais devenue. Les yeux humides, je le remerciai avant de me tourner vers Éric. Il était à couper le souffle dans son jean noir qui moulait parfaitement ses cuisses et ses fesses. Il portait un tee-shirt blanc qui mettait en évidence son torse de sportif. Ses cheveux noirs étaient ébouriffés, comme s'il sortait de la douche, lui donnant un air sexy à mourir. Je ne sais pas combien de temps j'étais restée immobile à le contempler.


— Tu aimes ce que tu vois ? me murmura-t-il à l'oreille en m'embrassant fébrilement dans le cou.


Son souffle chaud caressa ma peau nue et me fit frissonner. Diable, qu'il était beau.


— Tu es magnifique, Lili... susura-t-il en humant mon parfum.


J'étais convaincue d'être aussi rouge qu'une pivoine. La tête baissée, je fixais le sol quand je sentis deux doigts soulever délicatement mon menton. Mon regard glissa sur ses lèvres fines avant de croiser le sien. J'avalai difficilement ma salive quand un sourire éclatant illumina son visage d'Apollon.


— On y va ? demanda Éric en me prenant par la main.

— Ne rentrez pas trop tard. D'accord, les jeunes ? dit mon père avant que l'on sorte de la maison.

— Promis, monsieur. Je vous la ramène avant minuit, répondit Éric en m'ouvrant la porte.


Le trajet en voiture se déroula dans un silence gênant. Sa main était posée sur ma cuisse, et je pouvais ressentir sa chaleur à travers le tissu léger de ma robe. Il dessinait doucement des cercles vers l'intérieur de ma jambe. Je ne savais pas comment réagir. J'aimais les sensations qu'il me procurait, ce courant électrique qui éveillait mes sens, mais mon instinct me disait de lui demander d'arrêter. D'imposer des limites avant que les choses n'aillent trop loin. Pourtant, je ne disais rien. Je restais immobile, regardant par la fenêtre le paysage urbain défiler.


Quelques minutes plus tard, nous étions garés devant une imposante villa d'où des centaines de jeunes sortaient et entraient dans un vacarme hallucinant. Était-ce donc à quoi ressemblaient les fêtes de lycéens ?


En parfait gentleman, Éric fit le tour de la voiture pour m'ouvrir la porte et m'aider à descendre. Comme dans un rêve.


Nous sommes entrés directement dans la villa, sans prendre la peine de frapper, et Éric nous a tout de suite conduits dans la cuisine afin de nous servir à boire. Pas d'alcool pour moi, juste un soda. Il m'a laissée près du comptoir puis s'est fondu dans la foule pour aller chercher nos boissons. Personne ne s'est préoccupé de moi. Quelques-uns m'ont dévisagée un instant avant de retourner à leur discussion, mais rien de plus. J'étais transparente et cela me convenait. Je n'ai jamais été très à l'aise avec les autres. Éric faisait figure d'exception à cette règle.


Il revint avec deux verres et une grande blonde à son bras. Charlène. J'avais toujours cru qu'ils étaient ensemble, mais Éric m'avait affirmé que non, ils étaient simplement amis avec certains "privilèges", rien de plus. Néanmoins, je ne pouvais m'empêcher de ressentir une once de jalousie quand ils sont venus me rejoindre.


Éric me tendit mon coca light et Charlène m'examina de haut en bas avant d'esquisser l'un de ses sourires abjects dont elle seule avait le secret. Je détestais cette fille. C'était le mal incarné. Derrière son apparence de fragile poupée se cachait une garce qu'il était préférable de ne pas énerver.


— Charlène, je te présente Lili, ma cavalière, expliqua Éric. Lila, voici Charlène, une vieille amie.

— Oh, voyons Éric, nous sommes plus que des amis, tu le sais bien, répondit-elle d'une voix suave en posant ses mains sur son torse.


Cette fille n'avait aucune retenue, mais ce n'était pas à moi de la remettre à sa place. C'était à Éric de le faire, par respect pour moi. Les mâchoires crispées, il regarda Charlène avant de lui grogner dessus :


— On en a déjà parlé, Charlène. Nous ne sommes pas ensemble...

— Si tu le prends comme ça... J'offre ma première tournée, profitez-en bien !


Elle lui adressa un clin d'œil malicieux avant d'adopter une expression faussement contrariée, puis elle s'éloigna, nous laissant finalement en tête-à-tête.


— Je suis désolé pour ça. Ça va ? me demanda Eric.

— Oui, ne t'inquiète pas. J'ai l'habitude d'être la cible des moqueries des filles comme elle... murmurai-je en baissant la tête.


Il s'approcha de moi et enroula son bras autour de ma taille.


— Pas tant que je serai là ! tonna-t-il.


Une chaleur réconfortante a envahi ma poitrine. Je me sentais protégée et désirée. C'était une sensation que je n'avais jamais connue auparavant, à la fois rassurante et angoissante.


Nous avons laissé la cuisine pour aller dans le jardin. La musique hurlait. Les gens aussi. Je me sentais légère, presque enivrée.


— Tu veux danser ? demanda Eric.


À peine avais-je acquiescé, qu'il m'entraîna sur la piste de danse, collant son corps contre le mien. Je fermai les yeux, tentant de profiter pleinement de cet instant avant que notre bulle n'explose et que je ne revienne à la dure réalité. J'étais prise de vertiges et ma bouche était sèche. Mes jambes devenaient de plus en plus flageolantes. Enlacée dans les bras d'Éric, je me rapprochais encore de lui, écrasant ma poitrine contre son torse. Nos mouvements devenaient de plus en plus intimes, et je pouvais sentir son membre dur comme la pierre à travers son pantalon. Je savais que je devais reculer, prendre mes distances, mais j'en étais incapable.


Il me murmura quelque chose à l'oreille, embrassa mon cou et me tira hors de la piste. Il me fit monter les escaliers et ouvrit l'une des chambres à l'étage. C'était une chambre masculine, dans des teintes de gris et de bleu foncé. Un grand lit trônait contre le mur sous la fenêtre donnant sur la plage. J'entendis le verrou de la porte se fermer et une angoisse m'envahit.


Des bras puissants m'entourèrent la taille, me pressant contre un torse brûlant et dur. Des mains explorèrent mon corps, empoignant mes seins, les malaxant avec force, tirant sur mes tétons. Soudain, le bruit d'un tissu qui se déchire retentit et je sentis ma robe glisser le long de mon corps. Je me retrouvai en sous-vêtements, complètement exposée. J'essayai de le repousser, mais il était beaucoup plus fort que moi. Il me jeta sur le lit, arracha mon tanga et plongea la tête entre mes jambes en me maintenant fermement les hanches. Je criai, je me débattis, mais tout ce que j'obtins fut une gifle d'une telle violence qu'elle me fit siffler les tympans et brouilla ma vue.


Au petit jour, je me suis éveillé le corps meurtri, avec du sang coagulé sur les cuisses, du sperme sur mon abdomen et ma poitrine, mes habits en lambeaux. J'ai tenté de me remémorer la veille, mais tout était flou. Éric... Avait-il abusé de moi ? Comment ? M'avait-il drogué ?


J'ai fouillé la pièce à la recherche de quelque chose à enfiler. Je n'ai trouvé que de grands T-shirts et des caleçons dans une commode près de l'entrée. Je me suis habillé aussi vite que mes muscles douloureux me l'ont permis et je me suis précipité dehors. Pas question de passer par les escaliers et la salle à manger. Je ne voulais pas être vu dans cet état, alors j'ai ouvert la fenêtre et sauté dans le sable chaud. Les yeux embués, j'avançais sans trop savoir où, jusqu'à ce que je sente mon téléphone vibrer dans mon sac à main.


— Allô, Lili ? cria mon père inquiet.


Aucun mot ne sortit de ma bouche. Seulement des sanglots.


— Lili ? Où es-tu ma chérie ?


Toujours aucune réponse de ma part.


— Active ta géolocalisation, je viens te chercher.


J'ai raccroché et j'ai suivi ses instructions. C'était tout ce que je pouvais faire avant de m'écrouler par terre et de fondre en larmes.

Après ce qui m'a paru une éternité, j'ai senti mon père me prendre dans ses bras et me chuchoter des mots réconfortants. Vu mon état, il était assez facile de deviner ce qui s'était passé.


— Nous allons à l'hôpital, me dit doucement mon père avant de me porter jusqu'à la voiture.

— Non, c'est inutile... Ils refuseront de faire quoi que ce soit... soufflais-je.


J'avais terriblement honte. Je savais que le père d'Éric était le directeur de l'hôpital de Blarebeach. Un homme riche et respecté. Tout comme son fils. Personne ne croirait une fille comme moi, si insignifiante et pathétique. Je ne leur en voulais même pas d'ailleurs. Qui pourrait imaginer qu'Éric aurait besoin de droguer une fille pour coucher avec elle ?


— Allons au poste de police, alors, supplia mon père.


J'ai refusé. Je voulais simplement rentrer chez moi, me laver et oublier. Oublier qu'on venait de me dérober mon premier baiser. Oublier qu'on venait de me prendre ma virginité. Oublier qu'on venait de me voler ma dignité.


Mon père a soupiré et m'a posé une dernière question.


— Qui ?

— Éric Grant.


Il frappa rageusement sur son volant avant de démarrer pour me ramener à la maison. Les jours qui suivirent étaient confus. Je suis restée alitée pendant trois semaines, refusant de m'alimenter et ne sortant que pour prendre une douche, jusqu'à ce que mon père fasse venir une femme médecin d'une autre ville.


Après m'avoir auscultée, ils sont sortis de ma chambre pour discuter de mon état. Je pouvais les entendre chuchoter derrière la porte, mais je ne prêtai pas attention. J'ai alors entendu mon père taper violemment contre le mur et crier qu'il allait tuer ce salaud. Puis la médecin est revenue doucement vers moi et a pris la chaise de mon bureau pour s'approcher.


— Lili, est-ce que tu m'entends ?


Je hochais de la tête sans jamais la regarder.


— Lili, ce que je vais te dire va être difficile à accepter...


Elle fit une pause attendant peut-être que je réagisse, mais je n'en avais pas la force.


— Lili, tu es enceinte.


Enceinte. C'était impossible. Je n'avais pas encore 17 ans. Je n'avais pas fini le lycée. Je n'avais fréquenté aucun garçon... Aucun sauf Éric. Mon corps fut soudainement pris de convulsions et mes yeux roulèrent dans leurs orbites. Mon esprit céda et la folie m'emporta.


***


Je me suis réveillée dans une chambre d'hôpital, vêtue d'une blouse blanche qui couvrait à peine mon corps fragile. Mon père était affalé sur un fauteuil, juste à côté de mon lit. Sa barbe avait envahi son visage, et de sombres cernes profonds étaient dessinés sous ses yeux fatigués. Ses vêtements étaient chiffonnés. Depuis combien de temps étais-je allongée ici ?


Lorsque j'ai voulu parler, ma gorge m'a fait tellement mal qu'aucun son n'en est sorti. Pourtant, je l'ai vu bouger, et quand son regard s'est posé sur moi, le soulagement et la tristesse avaient éclipsé sa joie.


— Ma chérie... Enfin...


Il se leva et m'enlaça dans un câlin d'ours, comme je le surnommais quand j'étais plus jeune. J'avais mal un peu partout, mais je le laissais faire. Il avait tout autant besoin de réconfort que moi. Depuis le décès de ma mère, nous n'avions plus personne d'autre. Il n'avait que moi et moi, je n'avais que lui.


— Que...

— Ne parle pas, ma chérie. Je vais tout te raconter, mais avant, je voudrais être certain que tu vas bien. Je vais appeler le médecin.


Il sortit et revint rapidement avec la femme qui était venue à la maison.


— Bonjour, Lili. Tu te souviens de moi ?

— Oui...

— Très bien. Je vais t'ausculter, si tu le souhaites. Ensuite, je te laisserai discuter avec ton père. Tu as une importante décision à prendre...


J'ai dégluti avec difficulté. Je comprenais parfaitement ce qu'elle voulait dire. Si ce n'était pas un horrible cauchemar, alors j'étais enceinte de mon agresseur. Devrais-je garder l'enfant ? Non, certainement pas.


Après son examen, le médecin m'a serré la main avec empathie et est sorti. Mon père est alors revenu dans ma chambre et s'est assis au bord de mon lit.


— Ma chérie, je suis vraiment désolé... Je n'ai pas réussi à te protéger.

— Papa, ce n'est pas de ta faute... J'aurais dû me méfier. J'aurais dû le repousser.

— Non, arrête ! Tu es la victime dans cette affaire ! s'exclama-t-il en se tirant les cheveux. J'ai mené mon enquête et, avec l'aide de Laurence, le docteur que tu viens de voir, j'ai monté un dossier d'accusation contre Eric Grant. Je sais que c'est dur, mais tu dois te battre. Tu dois l'affronter. Une amniocentèse pourra confirmer que l'enfant est le sien, si tu choisis de le garder.


Des pleurs roulaient sur mes joues. Il ne m'avait pas abandonné. Il m'avait fait confiance et s'était battu pour moi. J'ai fait non de la tête, incapable de m'exprimer sans vaciller à nouveau vers la démence.


— Tu ne veux pas le garder ? demanda doucement mon père.


Je n'en voulais pas. On m'avait tellement dépossédée, je voulais retrouver le contrôle de mon corps. Garder cet enfant n'était pas en accord avec mes principes, mais ma décision était arrêtée. Je ne voulais pas le sentir grandir en moi. Mon père a hoché la tête, comme s'il comprenait mes sentiments.


***


L'avortement s'était bien passé. Laurence, une amie d'enfance de ma mère, m'avait beaucoup soutenue tout au long de cette terrible épreuve. Elle m'avait également assuré qu'ils avaient conservé l'embryon pour pouvoir faire des tests de paternité lorsqu'ils recevraient l'ADN d'Éric. À condition qu'il accepte.


Je n'étais pas retourné au lycée depuis presque six semaines. Les professeurs m'avaient envoyé les devoirs et avaient accepté que je travaille de chez moi. Mais cette situation ne pouvait pas durer indéfiniment. Je devais retourner au lycée et faire face à la réalité.


Tout le monde savait ce qu'il m'était arrivé. Enfin, ce qu'Éric et Charlène avaient raconté. J'étais devenue la salope du lycée. Celle qui écarte les cuisses et qui n'assume pas derrière. Celle qui voulait piéger la famille Grant avec un bébé. Personne ne voulait croire en ma version. Des photos et des vidéos de moi circulaient sur le web. Sur l'une d'elles, on pouvait m'y voir nue en train de dévorer voracement le gland d'un mec que l'on ne pouvait reconnaître à cause de l'angle de la vidéo. Ma main droite caressait la longueur de son membre tandis que ma main gauche jouait avec ses testicules au rythme des gémissements de ma victime. Mes yeux brillaient de convoitise et ma poitrine était couverte de bave et de sperme. Je me dégoûtais. La police avait fini par accepter de m'aider et fit retirer toutes ces images de moi des réseaux, mais le mal était fait. Je ne pouvais plus marcher dans les couloirs sans que l'on ne me crache dessus. Je ne pouvais plus croiser un miroir sans que je ne maudisse mon reflet.


Je me concentrai sur les cours, serrant les dents, en essayant de faire abstraction de tout le reste. Mais lorsque Charlène m'a abordé à la bibliothèque avec une nouvelle vidéo encore plus dégradante, je craquai. Je suis parti en courant jusqu'à chez moi. Je me suis enfermé dans la salle de bain pour tenter de me suicider avec le rasoir de mon père. J'étais lâche. Je voulais que cette histoire se termine. Je voulais partir.


Mon père était arrivé juste à temps pour me sauver la vie une deuxième fois. Il avait fait un scandale au lycée et le proviseur l'avait soutenu dans cette affaire, au risque de mettre en danger sa propre position et sa carrière. Il avait temporairement exclu Charlène, prouvant par une vidéo de surveillance qu'elle avait collé des photos de moi nue dans les couloirs. Mais il n'avait rien contre Éric. Il ne pouvait rien faire pour me protéger de lui. Alors, il avait fait en sorte que je puisse terminer l'année scolaire depuis chez moi, sans que cela n'impacte pas mon dossier. Mais cela ne serait que pour cette année, les deux suivantes je devrais venir tous les jours au lycée, ce qui était inenvisageable.


Voilà pourquoi j'avais supplié mon père de m'envoyer dans un autre établissement, le plus éloigné possible d'ici. Je lui avais confié que je pouvais supporter l'internat et même trouver un emploi pour l'aider financièrement, mais il avait refusé. Il était hors de question qu'il me laisse seule après tout ce qui s'était passé. Alors, il avait vendu la maison qu'il avait achetée avec ma mère et dans laquelle il avait tous ses souvenirs d'elle. Il avait recherché un des meilleurs lycées dans l'État du Maine pour ensuite postuler dans toutes les entreprises informatiques de la région.


Voilà pourquoi il avait quitté pour la première fois de sa vie la Californie. Alors, je n'avais pas le droit de retomber dans mes anciens travers. Je devais rester forte et surtout ne plus jamais laisser un garçon m'approcher et me rendre faible.


Je devais éviter Logan, même si pour cela je devais passer ces deux années seule.



Texte de L.S.Martins (120 minutes chrono, sans relecture).

Image par Victoria de Pixabay



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