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Épisode 2 : Dure réalité

Épisode 2 : Dure réalité

Pubblicato 28 mag 2024 Aggiornato 16 lug 2025 Romance
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Épisode 2 : Dure réalité


POV Lili


Pathétique. Trois semaines seulement après mon arrivée, me voilà déjà enfermée dans les toilettes du lycée à pleurer toutes les larmes de mon corps. Pour un garçon que je ne connais même pas. Que je ne devrais pas même envisager d'approcher. Pas après tout ce que j'avais traversé. J'étais censée prendre soin de moi et oublier ce cauchemar qu'était ma vie avant de venir ici. À LakeCity.


La version officielle : nous avons déménagé, mon père et moi, pendant l'été à cause d'un nouveau partenariat. Ce n'était pas vraiment un mensonge, il avait eu une opportunité de collaborer avec l'un des plus grands noms de la technologie et, pour assurer la pérennité du contrat, mon père devait délocaliser le siège de son entreprise ici même. Mais en réalité, je l'avais supplié de me laisser quitter mon ancien lycée. Je ne supportais pas l'idée d'y rester deux années de plus, pas après tout ce qui s'était passé. Je n'avais pas la force de tous les affronter.


— Ouvre-moi, Lili... implora Anny de l'autre côté de la porte.


Je ravalai mes sanglots et pris du papier toilette pour sécher rapidement mes larmes. Je devais avoir l'air pitoyable avec mon mascara tachant mes joues et mes yeux rouges et gonflés. Malgré tout, je ne pouvais pas rester cachée ici éternellement. Je me refusais de rester dans ce rôle de victime que j'endossais parfaitement depuis plusieurs mois déjà. J'en avais plus qu'assez. Je n'avais pas tout quitté pour vivre comme une peureuse, une recluse.


Résignée, je me levai pour ouvrir la porte. Anny entra doucement, comme si elle craignait de m'effrayer. Elle examina mon visage, sans jugement, et soupira douloureusement avant de s'approcher pour m'enlacer.


— Je suis désolée... murmura-t-elle à mon oreille.

— Pourquoi ? sanglotai-je malgré moi.


Elle s'écarta pour croiser mon regard et essuya une larme sur ma joue d'une manière tendre, presque maternelle. Un mince sourire sur ses lèvres.


— Parce que tu es tombée sous le charme de Logan... J'aurais dû te prévenir et te protéger. Je suis une amie effroyable.


Je l'observai, perplexe, ne pouvant retenir un ricanement nerveux. Personne jusqu'à présent, à part mon père, ne se souciait réellement de moi. Une chaleur réconfortante envahit mon cœur et je me sentis soudainement plus légère.


— Ne dis pas ça... C'est juste que ça m'a rappelé [sanglot]...

— Chut, m'ordonna-t-elle doucement. Ne dis rien si tu n'es pas encore prête. Et en attendant, fais-moi signe si tu veux que je botte le cul de mon cher cousin !


Un rire semblable à un grognement de cochon s'échappa de ma gorge. Juste par sa présence et son amitié, Anny me redonnait le sourire. Elle était un ange. Une bénédiction.Ma bénédiction... Et j'aurais aimé être capable de me confier à elle à cet instant, mais c'était encore trop dur. J'étais encore trop écorchée.


Logan... Je connaissais parfaitement ce genre de type. Un tombeur aux manières affables et raffinées, jusqu'à ce qu'il obtienne ce qu'il désire. Ensuite, dans le meilleur des cas, il vous ignore, dans le pire, il vous brise. Éric était de ceux qui brisent... Et il ne m'a pas épargnée.


6 mois plus tôt...


— Salut, Lili ! me salua Éric avec son éternel sourire charmeur. Prête pour nos révisions ? Je dois cartonner à cet examen sinon l'entraîneur ne va pas me lâcher du semestre.

— Bonjour, Éric, souflai-je timide et rougissante. Oui, j'ai préparé de quoi t'aider...

— Merci, tu es adorable ! dit-il en posant sa main dans le bas de mon dos et me guidant vers notre table.


C'était devenu notre routine. Confortable et déconcertante. Depuis bientôt deux mois, nous nous retrouvions après les cours, chaque mardi et jeudi, à la bibliothèque pour travailler ensemble. Un duo improbable qui faisait encore jaser les autres — moi, l'intello coincé et lui le sportif populaire. Je suppose que nous trouvions tout deux notre compte : je l'aidais à garder ses notes au-dessus de la moyenne pour continuer à jouer au football et, lui, me m'offrait la possibilité de présenter un dossier impeccable pour décrocher une bourse d'études dans une école prestigieuse — le mentorat était l'une des expériences les plus appréciées et recherchées par les doyens d'université. C'était du gagnant-gagnant. Du moins au début.


Les premières séances étaient... compliquées. On se parlait à peine, tous deux bien trop énervés d'avoir à supporter la présence de l'autre sous peine de sanctions. Et, bien évidemment, chacun avait ses préjugés : lui, me trouvait coincée et hautaine — selon ses propres termes ; quant à moi, je le pensais immature et suffisant. Mais j'ai pris sur moi, mis de côté ma rancœur, comme me l'avaient si subtilement suggéré le coach et le proviseur. Je n'avais pas le droit à l'échec, Éric était l'élément phare de notre lycée. Je n'aurais pas de seconde chance et devrais dire adieu à toute recommandation de leur part si Éric ne redressait pas la barre rapidement.


Un soir, alors que nous travaillons sur la dernière leçon d'informatique sur son ordinateur, une photo totalement ridicule de lui en caleçon, la tête dégoulinante d'une substance verdâtre, apparut sur son écran. J'aurai dû pouffer de rire, me moquer de lui, mais sa réaction me surprit et me fit presque pitié : il était profondément embarrassé, s'efforçant désespérément de faire disparaître l'image avant de se résigner à fermer son portable. À cet instant, il n'était pas le garçon sûr de lui et impassible. C'était tout l'inverse, il semblait blessé et fragile. Mais avant qu'il ne plie ses affaires et ne disparaisse, j'ai repris mes explications du cours et fis comme si je n'avais rien vu. Comme s'il ne s'était absolument rien passé. Il lui avait fallu quelques minutes pour se détendre et se remettre au travail, mais après ça tout était différent entre nous.


Au fil des séances, nous nous sommes rapprochés et j'ai appris à le connaitre. En réalité, Éric était doux, attentif et prévenant. Un parfait gentleman, contrairement à toutes ces rumeurs qui couraient sur lui. Dans les couloirs du lycée, on le décrivait comme un play-boy qui faisait succomber toutes les filles qu'il rencontrait. Mais lors de nos séances, c'était un jeune homme craquant, presque gauche, qui faisait fondre mon cœur.


— Au fait, il y a une soirée demain. Ça te dit de venir ? Ça te ferait du bien de sortir un peu de tes livres. Juste une heure... dit-il en faisant sa moue de petit garçon.


Il m'était impossible de lui résister. De dire non à ses yeux de chien battu. Alors, j'ai acquiescé d'un hochement de tête, avant de me replonger dans ma lecture. Je sentais le rouge me monter aux joues et je remerciais intérieurement l'obscurité environnante.


— C'est parfait ! Tu seras ma cavalière, annonça-t-il joyeusement. Je passerai te prendre chez toi à 19 heures.


Mon cœur battait la chamade et mes mains étaient moites. J'avais un rendez-vous avec Éric. Moi, la nerd invisible avec le beau gosse du lycée. Cela me semblait irréel. Lui, qui ne fréquentait que des pom-pom girls si jolies, si parfaites, s'intéressait à moi, l'intello coincée. Je risquai un coup d'œil dans sa direction et le trouvai déjà en train de me fixer avec un grand sourire. Quand nos regards se sont croisés, il me fit un clin d'oeil. Mal à l'aise, je toussotai et lui fis signe de se concentrer sur son devoir. La bibliothèque fermait dans trente minutes et nous avions encore beaucoup de travail.


Le lendemain, j'étais une véritable boule de nerfs, à la fois stressée et excitée. Dans ma chambre, entourée de mes peluches et de mes livres, je me préparais pour ma première fête. Ma première soirée loin de la maison. J'étais impatiente. Impatiente de découvrir ce que cela faisait de se sentir intégrer et de participer de me retrouver aux côtés d'Éric, loin de cette bibliothèque sombre et poussiéreuse. J'avais envie d'apprendre à mieux le connaître et de rencontrer ses amis. Mais j'avais peur de ne pas me sentir à ma place.


— Ma chérie, il y a un jeune homme qui vient d'arriver pour toi, cria mon père en bas des escaliers.


19 heures. Parfaitement à l’heure. Il n’avait pas changé d’avis. Il était venu, comme il me l’avait promis. Le sourire aux lèvres, je vérifiai une dernière fois mon apparence dans mon miroir. J’avais choisi pour une petite robe bleue qui avait appartenu à ma mère, avec ses fines bretelles, son décolleté élégant et sa coupe juste au-dessus du genou. J’étais un peu plus ronde ; le tissu soulignait joliment mes courbes, ce qui habituellement me gênait, mais pas ce soir. Ce soir, je me sentais belle et quelque peu audacieuse. J’avais noué mes cheveux en une haute queue de cheval et complété ma tenue avec une veste en jean blanc et des sandales à talons compensés. Pour le maquillage, j’avais opté pour la simplicité : un peu de mascara et une touche de gloss.


Lorsque je descendis, mon père m’a souri. Il me rejoignit en bas des escaliers en me tendant la main avant de me tirer dans un de ces monstrueux câlins. Il déposa un baiser sur mon front et me chuchota que maman aurait été fière de la belle jeune femme que j’étais devenue.


Les yeux humides, je le remerciai avant de quitter son étreinte et de me tourner vers Éric. Il était à couper le souffle dans son jean noir qui moulait parfaitement ses cuisses et ses fesses. Il portait un tee-shirt blanc qui mettait en évidence son torse de sportif. Ses cheveux sombres étaient ébouriffés, comme s’il venait de passer les mains dedans, lui donnant un air sexy à mourir.


― Tu aimes ce que tu vois ? me murmura-t-il à l’oreille ses lèvres effleurant mon lobe.


Son souffle chaud caressa ma peau nue et me fit frissonner. Diable, qu’il était beau.


― Tu es magnifique, Lili… susurra-t-il en humant mon parfum.


Sa simple présence me rendait fébrile et je me maudissais pour être aussi faible face à lui. Sentant le rouge me monter aux joues, je baissais la tête, fixant le sol comme s’il était soudainement intéressant. J’entendis alors un bruissement de vêtements juste avant d’être enveloppée par la chaleur de son corps musclé. Son torse frôlait ma poitrine et son odeur de cuir et de cèdre envahit mes sens.


Il glissa délicatement deux doigts sous mon menton pour m’inciter à lever les yeux vers lui. Mon regard se posa d’abord sur ses lèvres fines étirées en un sourire éclatant, avant de croiser le sien, envoûtant, hypnotisant. À cet instant, nous étions seuls au monde. Plus rien n’avait d’importance.


― On y va ? chuchota Éric en me prenant par la main.


Encore sous le charme du moment, j’acquiesçai d’un simple hochement de tête et me laissai guider vers l’extérieur.


― Ne rentrez pas trop tard. D’accord, les jeunes ? cria mon père avant que l’on sorte de la maison.

― Promis, monsieur. Je vous la ramène avant minuit, répondit Éric en m’ouvrant la porte.


Le trajet en voiture se déroula dans un silence troublant. Sa main était posée sur ma jambe, son pouce dessinait des cercles sur ma peau couverte du tissu léger de ma robe, remontant lentement tout en se rapprochant dangereusement de l’intérieur de ma cuisse. Je n’avais jamais été touchée ainsi. Je ne savais pas comment réagir. Tout me mettait mal à l’aise, pourtant je demeurais muette. J’aimais les sensations qu’il me procurait. Ce courant électrique qui éveillait une part sauvage en moi, mais mon instinct me hurlait de me méfier. De m’éloigner de cet Apollon.


Et même lorsqu’il frôla la dentelle de ma culotte, je ne dis rien. Je restais immobile, regardant par la fenêtre le paysage urbain familier. Feignant que cet attouchement était normal. Qu’il ne me dérangeait pas. Pire, que j’y consentais.


Les minutes s’étirèrent, semblables à des heures, lorsque enfin il retira sa main de mon corps. Mais étrangement, mon soulagement ne fut pas complet. Une part de moi regrettait déjà son contact. Son attention.


― On y est, m’annonça-t-il d’une voix rauque. Prête pour t’amuser ?


Nous étions garés devant une imposante villa d’où des dizaines de jeunes sortaient et entraient dans un vacarme hallucinant. Une musique assourdissante se mêlait aux cris et rires des lycéens. C’était donc une fête étudiante ? Je n’étais pas certaine d’y trouver ma place. Je préférai le calme et la solitude.


― Ne bouge pas, me somma Éric.


Il fit le tour de la voiture et m’ouvrit la porte pour m’aider à descendre. Un véritable gentleman.


Il posa une main possessive en bas de mon dos et me conduisit à l’intérieur. Il salua bon nombre des personnes présentes, un check pour les mecs et un sourire charmeur ou un clin d’œil pour les filles.


Je fus surprise par la foule dans chacune des pièces de la villa. Impossible de faire un pas sans heurter quelqu’un.

― Reste là, je reviens. Je vais nous chercher à boire, cria Éric à mon oreille.


Et sans attendre de réponse, il disparut en me laissant seule contre un mur dans ce qui devait être en temps normal un salon. Une odeur de bière et de transpiration flottait dans l’air. Et la lumière tamisée dissimulait les regards vitreux et les couples de la soirée. Au centre, juste sous le lustre, quelques footballeurs jouaient au billard, un verre à la main, se moquant et riant entre eux. Des filles se pavanaient autour d’eux, exhibant leur tenue légère et leur maquillage sombre. Les observer me fit prendre conscience à quel point je n’étais pas dans mon élément. Je n’appartenais pas à leur monde. J’étais bien trop sage et timide. Coincée et barbante.


Heureusement, personne ne se préoccupait de moi. Quelques-uns me dévisageaient brièvement avant de m’oublier et de retourner à leur discussion. J’étais transparente. Quelconque. Et cela me convenait parfaitement. Je n’ai jamais été très à l’aise avec les autres. Éric faisait figure d’exception.


― Salut, ma jolie… Moi, c’est Kévin. Je t’ai jamais vu ici. T’es nouvelle ?


Kévin. Le receveur de l’équipe de foot locale, coéquipier d’Éric et mon binôme en cours de sciences au semestre dernier. Je n’étais pas certaine qu’il m’ait un jour regardée. Bien trop occupé par son smartphone et la brune assise derrière nous. Il ne m’adressait la parole que pour m’insulter et m’ordonner de faire les devoirs communs et de mettre son nom sur ma copie. Ce qui en soi ne me dérangeait pas. Je n’avais aucune envie de passer plus de temps que nécessaire avec lui.


― Casse-toi, Kévin !


Éric poussa son coéquipier et m’attrapa par la taille comme pour marquer son territoire.


― OK, je te la laisse, mec, sourit le receveur. Mais si tu t’ennuies avec lui, viens me voir, ma jolie !


Il m’adressa un clin d’œil joueur en levant les mains en signe de reddition avant de disparaitre dans la foule.


― Désolé pour ça… s’excusa Éric en prenant une gorgée de son verre.

― Éric, mon chéri !


Une grande blonde sauta au cou de mon cavalier et l’embrassa à pleine bouche. Charlène… La cheffe des pom-pom girls. J’ai toujours pensé qu’ils étaient ensemble. Ils étaient constamment collés l’un à l’autre, que ce soit dans les couloirs du lycée, sur le terrain ou à la cafèt’. Mais Éric m’avait affirmé que non. Selon lui, ils étaient de simples amis avec certains « privilèges ». Aucun sentiment. Juste du sexe occasionnel. Difficile à croire lorsque j’étais aux premières loges pour assister à cet échange de salive tout sauf platonique.


Éric semblait m’avoir oublié jusqu’à ce que j’essaie de m’éloigner de lui, son bras encore accroché à ma taille. Il repoussa Charlène, tout en prenant un air faussement embarrassé.


― Euh… Charlène, laisse-moi te présenter Lili.

― Oh, tu as emmené ta tutrice à la soirée. Comme c’est gentil de ta part… grinça la blonde.


Une main sur le torse d’Éric, elle m’examina de haut en bas avant d’esquisser l’un de ses sourires abjects dont elle seule avait le secret. Je détestais cette fille et ça ne datait pas d’hier. Derrière son apparence de poupée fragile se cachait une garce qu’il était préférable de ne pas énerver. Malheureusement, depuis que j’avais commencé à travailler avec Éric, elle semblait avoir une dent contre moi. Rien de vraiment très grave et de très original : des réflexions sur mon physique, mon poids ou encore la mort de ma mère. Rien que je n’avais l’habitude de gérer.


J’attendais qu’Éric corrige ce qu’elle venait de dire. Que je n’étais pas que sa tutrice. Que j’étais plus que ça. Peut-être une amie… mais il ne fit rien.


Quelque chose se brisa en moi. Je me sentais idiote d’avoir espéré plus. Mais je devais me faire une raison. Il m’avait laissée seule près d’une demi-heure avant de réapparaitre sans ma boisson et d’embrasser une autre devant moi. Je ne représentais rien pour lui. Il avait juste eu pitié de moi.


― Viens danser avec moi, supplia Charlène en lui attrapant la main.


Cette fille n’avait aucune retenue et elle savait comment obtenir l’attention des garçons. Difficile de ne pas être jalouse d’elle. De sa confiance.


Je fis un pas en arrière, bien déterminée à me sauver de cette horrible soirée, quand j’entendis Éric grogner. Les mâchoires crispées, il regardait Charlène avec colère.


― On en a déjà parlé, Charlène. Nous ne sommes pas ensemble… Je suis avec Lili, ce soir.


Charlène, choquée, se ressaisit rapidement, retrouvant son sourire digne de Cheshire.


― Vraiment ? ronronna-t-elle. Alors pourquoi était-elle seule jusqu’à maintenant ? Et pourquoi ne pas lui avoir proposé à boire ?


Il observa son verre presque vide, sa main sur sa nuque comme s’il tentait de trouver une excuse.


― Je… euh… Putain, Lili… je suis désolé. J’ai croisé des potes et j’ai oublié ta boisson… Je vais t’en chercher un. Je…


Charlène le stoppa en faisant glisser ses ongles rouges sur son tee-shirt, arborant une moue mi-séductrice, mi-contrariée.


― Pour que tu l’oublies encore ? En hôte, c’est à moi de m’assurer que tous mes invités soient bien traités. Je reviens avec… un coca light ? me proposa-t-elle en m’observa méchamment.


Elle posa un baiser sur la joue d’Éric et s’éloigna, ses hanches roulant au rythme de la musique.


― Écoute, Lili. Je suis vraiment navré pour ce qui vient de se passer. Si tu veux partir, je comprendrais. Je peux te ramener… suggéra Éric l’air penaud.


Avais-je envie de m'enfuir le plus loin possible ? Oui, absolument. Mais je refusais de donner raison à cette garce. Je ne pouvais pas la laisser gagner.


―Ça va… j’ai l’habitude, tu sais, avouai-je douloureusement.


Il s’approcha de moi et prit mon visage de ses deux mains. Son regard était intense, vibrant de colère et d’autre chose que je ne parvenais pas à identifier.


― Tu ne devrais pas avoir l’habitude. Je te promets que ça n’arrivera plus. Pas tant que tu seras avec moi, m’assura-t-il.


J’avais envie d’y croire. Pour une fois, j’avais envie de me sentir protégée. Désirée. Alors, j’ai fait fi de ce mensonge. J’ai ignoré cette petite voix qui me priait de me méfier. De ne pas le laisser me tromper. Et j’ai souri. J’ai embrassé cette chaleur réconfortante qui envahissait ma poitrine.


―Tiens, ton coca light.


L’une des amies de Charlène me donna un verre, éclaboussant ma robe, et repartit sans une excuse. Ni même un regard.


―Bois et après allons danser, m’intima Éric en poussant le gobelet à mes lèvres.


Après quelques gorgées, il sembla satisfait. Il me prit le verre des mains et le posa sur le meuble à ses côtés avant de me guider dans une autre pièce.


La musique hurlait. Les gens aussi. Je me sentais légère, presque enivrée. Sans un mot, il m’entraîna sur la piste de danse, collant son corps contre le mien. Je fermai les yeux, tentant de profiter pleinement de cet instant avant que notre bulle n’explose et que je ne revienne à la dure réalité. Avant qu’une autre ne vienne lui sauter au cou et ne me l’enlève.


Les chansons se succédèrent et la fatigue me gagna rapidement. Je me sentais mal : ma bouche était sèche ; mes jambes devenaient de plus en plus instables, flageolantes ; ma vue était floue et ma tête lourde. Entourée des bras d’Éric, je m’accrochais plus fort à lui pour ne pas tomber. Il pencha son corps vers le mien, comme pour me protéger du monde extérieur, rapprochant nos visages. Ainsi, ma poitrine écrasée contre son torse, ma joue sur son épaule, ses lèvres embrassant mon cou, nous dansions sans nous soucier des autres. Sans prendre garde à mon état. Nos mouvements de plus en plus intimes, me permettant de sentir son membre dur à travers son jean. J’aurais dû reculer, prendre mes distances. Stopper tout ça. Au fond de moi, j’en étais consciente. Pourtant, cela m’était impossible. Malgré mon malaise, j’avais envie – non, c'était plus que ça, c'était une nécessité – de son contact. De sa chaleur.


Il me murmura quelque chose à l’oreille, mais j’étais bien trop étourdie pour comprendre ses mots. Son souffle sur ma peau brûlante me faisait frissonner, presque gémir. C’était tout ce dont il avait besoin. Il me tira hors de la piste, m’entraînant à travers la villa jusqu’à l’une des chambres de l’étage. Une magnifique chambre masculine, décorée dans des teintes de gris et de bleu foncé. Un grand lit trônait contre le mur sous la fenêtre donnant sur la plage. Éric m’y poussa et ferma la porte derrière nous. Lorsque je l'entendis mettre le verrou, une angoisse m’envahit.


Des bras puissants m’entourèrent la taille, me pressant contre un torse brûlant et dur. Des mains larges et agiles explorèrent mon corps, empoignant mes seins, les malaxant avec force, tirant sur mes tétons. Soudain, le bruit d’un tissu qui se déchire retentit et l’air frais de la nuit mordit ma peau nue. Je me retrouvai en sous-vêtements, complètement exposée. J’essayai de le repousser, mais il était beaucoup plus fort que moi. Il me jeta sur le lit, arracha mon tanga et plongea la tête entre mes jambes en me maintenant fermement les hanches. Je criai, je me débattis, mais tout ce que j’obtins fut une gifle d’une telle violence qu’elle me fit siffler les tympans et brouilla ma vue.


***


Au petit matin, je me suis éveillée seule dans une pièce inconnue, un drap recouvrant mon corps meurtri et nu. Ma tête était douloureuse et ma bouche sèche. Et pour uniques souvenirs de cette nuit cauchemardesque, du sang encore frais coulait sur mes cuisses et du sperme tiède collait sur mon abdomen et ma poitrine.


Des images de la veille revinrent peu à peu : Éric et moi dansant, ses bras autour de moi, ses baisers brûlants dans mon cou, la chambre, la gifle… mais après tout se mélangeait. Les visages de plusieurs joueurs de foot, les insultes de Charlène et Kévin. Que s’était-il passé ? Éric m’avait-il drogué pour abuser de moi ?


Rassemblant mes forces, je me levais et fouillais la pièce à la recherche de quelque chose à enfiler pour ne trouver qu’un grand tee-shirt et un caleçon. Je m’habillais aussi vite que mes muscles douloureux me le permirent. Je réunis les quelques affaires qu’il me restait – la robe en lambeaux de ma mère et mon sac à main – et je me précipitai dehors par la fenêtre. Hors de question de croiser quelqu’un dans cet état. Pire, de tomber sur Éric après ce qu’il m’avait fait endurer.


Pieds nus sur le sable chaud, les yeux embués et l’air hagard, je marchais sans savoir où j’allais, jusqu’à ce que je sente mon téléphone vibrer.


― Allô, Lili ? cria mon père inquiet. Tu réponds enfin ! Ça fait des heures que j’essaie de te joindre. Éric avait promis de te ramener à minuit. Où es-tu ?


Aucun mot ne sortit de ma bouche. Uniquement des sanglots. Je tombais à genoux, incapable d'avancer. Incapable même de respirer. J’avais trop mal. Au corps, au cœur et à l’âme.


― Lili ? Où es-tu, ma chérie ? reprit-il d’une voix plus douce.


Toujours aucune réponse de ma part.


― Active ta géolocalisation, je viens te chercher.


Il raccrocha, me laissant seule à cette réalité immonde. Abjecte. Avant de m’effondrer, je réussis à faire ce qu’il m’avait demandé. J’étais brisée. Entre deux crises de larmes, je vomis toute la bile de mon estomac. Mes cris portés par la brise marine. Mon désespoir lavé par les vagues qui léchaient la plage déserte.


Après ce qui m’a paru une éternité, j’ai senti l’odeur de mon père – chocolat noir et bergamote, un parfum qui m’avait si souvent réconforté. Il me serra contre lui, sans rien dire. Il avait compris qu’aucun mot ne pouvait effacer ce qu’il m’était arrivé. Il comprenait toujours.


―Je t’emmène à l’hôpital, ma chérie, m’annonça-t-il doucement en me portant jusqu’à sa voiture.


Je fis non de la tête. Je ne voulais pas y aller. Je ne voulais pas que l’on me touche. Que l’on m’observe. Pas avec toutes ses images qui défilaient dans mon esprit.


La honte me consumait. Je n’avais rien fait. Je m’étais à peine débattu. Peut-être avais-je mérité ce qu’il s’était passé. Et même si c’était faux, je savais pertinemment que ce serait ce que tout le monde penserait. Le père d’Éric était le bienfaiteur de cette ville. Un homme riche et respecté. Tout comme son fils, l’étoile montante du football. Je n’étais rien. Totalement insignifiante et pathétique. Personne ne me croirait, quoi que je dise. Quoi que mon corps révèle. Et comment leur en vouloir ? Qui croirait qu’Éric Grant a besoin de droguer une fille comme moi pour coucher avec elle ? Qui pourrait même imaginer qu’il puisse avoir envie de moi ?


― Allons au poste de police, alors, supplia mon père.


J’ai refusé, pleurant de plus belle. Je souhaitais juste rentrer à la maison, me laver et me cacher. Puis oublier. Oublier qu’on venait de me dérober mon premier baiser. Oublier qu’on venait de me voler ma virginité. Oublier qu’on venait de m’arracher ma dignité.


Mon père soupira, vaincu. Mais avant de démarrer la voiture, il me posa une ultime question :


― Qui ?


J’avalais douloureusement ma salive et murmurai son nom, comme si j’avais peur de le voir apparaitre si je le prononçais plus fort :


― Éric Grant.


Il frappa furieusement sur son volant tout en hurlant sa rage. Je laissai le brouillard m’envelopper, chassant les souvenirs qui me persécutaient.

Les jours qui suivirent étaient confus. Je suis restée alitée pendant près de trois semaines, refusant de m’alimenter et ne me levant que pour me doucher, jusqu’à ce que mon père fasse venir une femme médecin d’une autre ville.


Après m’avoir auscultée, ils sont sortis de ma chambre pour discuter de mon état. Je pouvais les percevoir leurs paroles derrière la porte, mais je ne prêtai pas attention. J’ai alors entendu mon père taper violemment contre le mur et crier qu’il allait tuer ce salaud. Puis le médecin est revenu doucement vers moi et a pris la chaise de mon bureau pour s’approcher.


― Lili, est-ce que tu m’entends ?


Je hochais de la tête sans jamais la regarder.


― Lili, ce que je vais te dire va être difficile à accepter…


Elle fit une pause attendant peut-être que je réagisse, mais je n’en avais pas la force.


― Lili, tu es enceinte.


Enceinte. C’était impossible. Je n’avais pas encore 17 ans. Je n’avais pas fini le lycée. Je n’avais fréquenté aucun garçon… Aucun, sauf Éric. Mon corps fut soudainement pris de convulsions et mes yeux roulèrent dans leurs orbites. Mon esprit céda et la folie m’emporta.


***


Je me suis réveillée dans une chambre d’hôpital, vêtue d’une blouse blanche qui couvrait à peine mon corps fragile. Mon père était affalé sur un fauteuil, juste à côté de mon lit. Sa barbe avait envahi son visage et de sombres cernes profonds étaient dessinés sous ses yeux fatigués. Sa chemise était chiffonnée. Depuis combien de temps étais-je allongée ici ?


Lorsque je voulus parler, ma gorge me faisait tellement souffrir qu’aucun son n’en sortit. Malgré tout, il se réveilla et quand son regard se posa sur moi, le soulagement et la tristesse éclipsaient sa joie.


― Ma chérie… Enfin…


Il se leva et m’enlaça dans un câlin d’ours dont seul lui avait le secret. J’avais mal partout, mais je le laissais faire. Il avait tout autant besoin de réconfort que moi. Depuis le décès de ma mère, nous n’avions plus personne d’autre. Il n’avait que moi et moi, je n’avais que lui.


― Que…

― Ne parle pas, ma chérie. Je vais tout te raconter, mais avant, je voudrais être certain que tu vas bien. Je vais appeler le médecin.


Il sortit et revint rapidement avec la femme qui était venue à la maison.


― Bonjour, Lili. Tu te souviens de moi ?

― Oui…

― Très bien. Je vais t’ausculter, si tu le souhaites. Ensuite, je te laisserai discuter avec ton père. Tu as une importante décision à prendre…


J’ai dégluti avec difficulté. Je comprenais parfaitement ce qu’elle voulait dire. Si ce n’était pas un horrible cauchemar, j’étais enceinte de mon agresseur. Devrais-je garder l’enfant ? Je ne pouvais pas. Je n’en avais pas la force. C’était égoïste et immoral de ma part, mais je n’y survivrais pas.


Après son examen, le médecin m’a serré la main avec empathie et est sorti. Mon père est alors revenu dans ma chambre et s’est assis au bord de mon lit.


― Ma chérie, je suis vraiment désolé… Je n’ai pas réussi à te protéger.

― Papa, ce n’est pas de ta faute… J’aurais dû me méfier. J’aurais dû le repousser.

― Non, arrête ! Tu es la victime dans cette affaire ! s’exclama-t-il en se tirant les cheveux. J’ai mené mon enquête et, avec l’aide de Laurence, le docteur que tu viens de voir, j’ai monté un dossier d’accusation contre Éric Grant. Je sais que c’est dur, mais tu dois te défendre. Tu dois l’affronter. Une amniocentèse pourra confirmer que l’enfant est le sien, si tu choisis de le garder.


Des larmes perlaient sur mes joues. Il m’avait cru. Il s’était battu pour moi et j’allais l’abandonner. Je ne pouvais pas mener ce combat perdu d’avance. Je secouai la tête, le suppliant silencieusement de ne pas me pousser, incapable de m’exprimer sans vaciller à nouveau vers la démence.


― Tu veux le garder ? demanda doucement mon père en regardant mon ventre.


Je n’en voulais pas. On m’avait tellement dépossédée, je désirais retrouver le contrôle de mon corps. De ma vie. Cet enfant était innocent dans cette histoire, mais moi aussi je l’étais. Comment pourrais-je le sentir grandir en moi et accepter de vivre avec le souvenir constant de cette nuit ? De ce cauchemar ?


― Non… soufflai-je à bout de force.


Mon père me serra la main, pour me signifier qu’il me comprenait et me soutenait. Puis, sans un mot de plus, il sortit pour annoncer au médecin ma décision.


***


L’avortement s’est bien passé. Enfin, aussi bien que cela puisse se passer. Laurence, le médecin qui s’occupait de moi à la demande de mon père, m’a énormément soutenue durant cette épreuve. Elle m’avait accompagné à chaque étape et s’était assuré que l’hôpital conserve l’embryon pour pouvoir faire un test de paternité, si je décidais de porter plainte.


Je n'ai pas mis les pieds au lycée depuis presque six semaines. Les professeurs m’ont envoyé les devoirs et ont accepté que je travaille de chez moi. J’ignore ce que mon père leur a expliqué, mais cette situation ne pouvait pas durer indéfiniment. Je devais y retourner et faire face à la réalité.


Bien évidemment, tout le monde savait ce qu’il m’était arrivé. Enfin, ce qu’Éric et Charlène avaient raconté. J’étais devenue la salope du lycée. Celle qui écarte les cuisses et qui n’assume pas. Celle qui cherchait à piéger la famille Grant avec un bébé. Personne ne voulait croire en ma version. Des photos et des vidéos de moi circulaient sur le web. Sur l’une d’elles, on pouvait me voir nue en train de dévorer le gland d’un mec que l’on ne pouvait reconnaître à cause de l’angle de la vidéo. Ma main droite caressait la longueur de son membre tandis que ma main gauche jouait avec ses testicules au rythme des gémissements de ma victime. Mes yeux brillaient de convoitise et ma poitrine était couverte de bave et de sperme. Je me dégoûtais. La police avait fini par accepter de m’aider et fit retirer toutes ces images de moi des réseaux, mais c'était trop tard. Je ne pouvais plus marcher dans les couloirs sans que l’on ne me crache dessus. Je ne pouvais plus croiser un miroir sans que je ne maudisse mon reflet.


Je me concentrai sur les cours, serrant les dents, en essayant de faire abstraction de tout le reste. Mais quand Charlène m’a abordé à la bibliothèque avec une nouvelle vidéo encore plus dégradante, je craquai. Je me suis enfuie pour courir jusque chez moi. Je me suis enfermé dans la salle de bain. Et lorsque j’ai vu le rasoir sur le lavabo, je savais ce qu’il me restait à faire. J’étais lâche. J’étais lasse. Je désirais que cette histoire se termine. Je voulais partir…


Malheureusement ou peut-être heureusement, mon père est arrivé juste à temps pour me sauver la vie. Une seconde fois. Le lendemain, il s’est présenté au lycée et a fait un scandale. Et contre toute attente, le proviseur l’avait soutenu dans cette affaire, au risque de mettre en danger sa propre position et sa carrière. Il avait temporairement exclu Charlène, prouvant par une vidéo de surveillance qu’elle avait collé des photos de moi nue dans les couloirs. Mais il n’avait rien contre Éric. Il ne pouvait rien faire pour me protéger de lui. Alors, il avait organisé mes cours de sorte que je puisse terminer l’année scolaire depuis ma chambre, sans que cela n’impacte pas mon dossier. Mais ce n’était envisageable que pour cette année. Les deux prochaines, je devrais les affronter. Je devais me rendre tous les jours au lycée et endurer silencieusement leurs insultes et leur harcèlement.


Voilà pourquoi j’ai supplié mon père de m’envoyer dans un autre établissement, le plus éloigné possible de BlareBeach. Je pouvais supporter l’internat, si cela signifiait de ne jamais revoir mes tortionnaires, mais il a rejeté cette idée. Il refusait de me laisser seule après toute cette histoire. De m’abandonner dans une ville inconnue et rester ici. Il m’avoua avoir envisagé plusieurs fois de quitter BlareBeach depuis la mort de ma mère. Trop de souvenirs douloureux. Plus rien ne le retenait. Il décida de vendre la maison et rechercha le meilleur lycée dans l’état du Maine. Il avait quelques partenaires d’affaires là-bas et souhaitait se rapprocher d’eux.


Je n’ai jamais su si c’était vrai ou s’il voulait me préserver, mais je l’avais surpris à pleurer lorsque nous faisions les cartons pour le déménagement. Et j’avais vu les larmes dans ses yeux quand il a donné les clés à l’agent immobilier après la signature du contrat de vente.


Alors, je n’avais pas le droit de retomber dans mes anciens travers. Je devais prendre sur moi et, par-dessus tout, ne plus jamais laisser un mec m’approcher. Ne plus laisser un mec m’atteindre et me rendre faible.


Je devais éviter Logan, même si pour cela je devais passer ces deux années, seule.



Texte de L.S.Martins (120 minutes chrono, sans relecture).

Image par Victoria de Pixabay



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