

Qui est Handala et pourquoi ne tournera-t-il pas la tête sauf si…
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Qui est Handala et pourquoi ne tournera-t-il pas la tête sauf si…
Handala. L’enfant figé que rien n’efface
Il a dix ans. Il attend. Il tourne le dos au monde. Mais son regard est partout. Il est l’enfance volée, la mémoire tenace, le témoin silencieux d’une injustice qui n’en finit pas de saigner.
Il est petit, pieds nus, le dos tourné au monde. On ne voit jamais son visage, et pourtant, on ressent sa colère.
Il a dix ans, figé dans l’attente.
Il ne grandira pas tant que sa terre restera prisonnière.
Ses mains croisées dans le silence.
Un silence plus bruyant que mille discours.
Un silence qui accuse ceux qui ont détourné le regard, ceux qui ont serré des mains tachées.
Il accuse les puissants d’avoir troqué son enfance contre des traités.
Il accuse les dirigeants complices, silencieux, pendant que son peuple était dépossédé, colonisé, anéanti, exterminé…
Silencieux, parce qu’il n’a plus les mots face à cette monstruosité sans nom.
Handala ne grandira pas.
Il est figé à l’âge de l’exil : dix ans, l’âge où son créateur a été forcé de quitter sa terre.
Depuis, il attend. Immobile dans le temps, comme une mémoire qu’on ne peut effacer.
Ses pieds nus disent son appartenance aux oubliés, aux déplacés, aux pauvres.
Ses haillons, un symbole pour ceux qui n’ont rien, sauf la dignité.
Handala est une boussole. Il pointe toujours vers la justice.
Pas seulement celle de sa terre, mais celle de tous les peuples étouffés.
Il est palestinien, mais son cri résonne en Égypte, au Vietnam, en Afrique du Sud.
Là où l’on piétine les peuples.
Fresque murale sur le Mur de séparation à Bethléem (Palestine), réalisée par l'artiste Katrina Weber Ashour. À droite de la fresque, on peut lire : « Tear down this wall so Tarek & his family can come home » « Démolissez ce mur pour que Tarek et sa famille puissent rentrer chez eux. »
Handala a été créé par le caricaturiste palestinien Naji al-Ali en 1969.
Un enfant aux cheveux en bataille, pieds nus, toujours vu de dos.
Il n’a pas choisi un visage. Il lui a offert un dos.
Handala est né en exil, dans la mémoire vive d’un homme déraciné.
Dix ans : c’est l’âge que Naji avait lorsqu’il a fui la Palestine.
Dix ans : c’est l’âge qu’aura Handala pour toujours. Figé dans l’attente du retour.
Naji al-Ali a écrit :
Handala est né à dix ans et il aura toujours dix ans. C’est à cet âge que j’ai quitté ma patrie. Quand Handala rentrera chez lui, il aura encore dix ans… et alors, il commencera à grandir.
À travers lui, Naji al-Ali n’a pas dessiné un enfant.
Il a dessiné une conscience. Une loyauté. Une résistance nue, dépouillée de tout, sauf de sa dignité.
Portrait de Naji al-Ali, photographié en 1969 par Saleh Abbas.
(Source : « Filastin. L’arte di resistenza del vignettista palestinese Naji al-Ali », avril 2013, éditions Eris)
Naji al-Ali était plus qu’un caricaturiste.
Il était un témoin.
Un poète du crayon, armé d’encre noire pour dénoncer ce que le monde voulait taire.
Né en 1936 en Galilée, réfugié au Liban dès 1948, il a porté l’exil comme d’autres portent une cicatrice.
Ses dessins ne faisaient pas rire.
Ils dérangeaient.
Ils montraient la faim, la guerre, la trahison, l’hypocrisie politique.
Il dénonçait tout, sans peur, sans filtre : les dirigeants corrompus, les puissances coloniales, les régimes arabes complices, les mains qui saluent pendant qu’elles étranglent.
Dans chaque dessin, Handala était là. Témoin silencieux.
Celui qui regarde ce que même les adultes refusent d’affronter.
Et Naji al-Ali, à travers lui, traçait une vérité que nul ne pouvait effacer.
Sa plume n’était pas modérée.
Elle était libre. Tranchante. Sans compromis.
Et cette liberté, on la lui a fait payer.
Censuré, exilé, menacé.
On arrachait ses dessins. On faisait pression sur les journaux.
Mais il continuait. Encore et encore.
Comme un feu qu’on ne peut étouffer.
Car Handala n’était pas seulement un personnage.
Il était une condamnation.
Alors on a décidé de le faire taire.
Non pas par le débat.
Mais par une balle.
Le 22 juillet 1987, à Londres, alors qu’il se rend à son bureau du journal Al-Qabas, Naji al-Ali reçoit une balle dans la tête.
Ce n’est pas un homme qu’ils ont voulu abattre.
C’est une voix.
Une lucidité.
Une mémoire vive.
Mais Handala, lui, ne s’est pas effacé.
Il a survécu à la balle.
Aux censeurs.
Aux frontières.
Il a traversé les murs, les camps, les océans.
Gravé sur des murs. Tatoué sur des peaux étrangères.
Peint sur des pancartes brandies aux quatre coins du monde.
Handala est devenu plus qu’un personnage.
Il est devenu une mémoire collective.
Une conscience universelle.
Caricature de Naji al-Ali représentant Handala devant les victimes du massacre de Sabra et Chatila.
Illustration publiée dans la presse arabe au lendemain du massacre de 1982 au Liban.
Aujourd’hui, Handala est encore là.
Toujours le dos tourné.
Toujours en colère.
Toujours debout.
Il marche dans les cendres.
Il foule les restes de corps démembrés sous les décombres de Gaza.
Des bras dépassent du béton.
Des cartables sont encore accrochés à des os.
Des familles entières effacées.
Les prénoms ne tiennent plus sur les registres.
Il n’y a plus d’encre pour les écrire.
Il n’y a que le sang. Et le silence.
Des cadavres dévorés par des chiens errants.
L’odeur de la mort qui colle à la peau.
Des corps empilés dans des sacs.
Alignés. Enterrés à la hâte. Sans adieux.
À Gaza, il n’y a plus d’enfance.
Seulement des cauchemars éveillés.
Des enfants qu’on extrait à mains nues.
Des mères qui bercent des cadavres emmitouflés dans des sacs de farine.
Des bébés à peine nés qu’on enterre sans nom, sans tombe.
Photos prises par le journaliste et photographe Motaz Azaiza à Gaza
En Cisjordanie, les colonisateurs israéliens arrachent les murs, les visages, les rêves.
Ils brisent les doigts qui tiennent les pierres.
Ils déracinent les oliviers vieux de centaines d’années.
Ils interdisent les fêtes. Les tambours. Les chants. Les danses.
Ils interdisent aux enfants de courir dans les rues.
Aux familles de se rassembler.
À un peuple de respirer.
À espérer…
Un soldat israélien plaque un enfant palestinien sur un rocher lors d'affrontements entre les forces de sécurité israéliennes et des manifestants palestiniens, le 28 août 2015 à Nabi Saleh près de Ramallah en Cisjordanie. afp.com/ABBAS MOMANI
Et au milieu de ce silence qui pue la mort,
Handala reste.
Témoin immobile d’un massacre que rien ne peut excuser.
Caricature réalisée par Naji al-Ali, initialement publiée dans les années 1980 dans la presse arabe.
Reproduite aujourd’hui dans de nombreux recueils consacrés à son œuvre,
notamment "Filastin: l’art de la résistance du caricaturiste palestinien Naji al-Ali"
Le 13 juillet 2025, un navire civil portant le nom de Handala a quitté Gallipoli, en Italie, dans le cadre de la Freedom Flotilla Coalition.
Rebaptisé en hommage au symbole de résistance dessiné par Naji al-Ali, il avait un seul objectif : briser le blocus illégal imposé à Gaza et livrer de l’aide humanitaire. À son bord, 21 passagers venus de 12 pays différents : médecins, journalistes, avocats, militants des droits humains, élus européens.
Des civils.
Avec eux : des colis de nourriture, du lait infantile, des vêtements, des médicaments.
Rien d’autre.
Rien que de l’humanité.
Et pourtant, cela suffisait pour déranger.
Le navire Handala, de la Freedom Flotilla Coalition,
photographié en mer peu après son départ de Gallipoli, en Italie, le 13 juillet 2025. Crédit : Freedom Flotilla / X
Le 26 juillet 2025, à 74 kilomètres des côtes de Gaza, dans les eaux internationales, la marine israélienne a intercepté le Handala.
Les communications ont été brutalement coupées.
Les caméras désactivées.
Les passagers arrêtés.
Le bateau saisi.
Capture d’écran d’un livestream YouTube montrant l’instant où des soldats israéliens armés montent à bord du Handala, navire civil de la Freedom Flotilla Coalition, dans les eaux internationales. Crédit : Freedom Flotilla Coalition / Capture YouTube
D’autres navires ont tenté, avant Handala, de briser le blocus.
Leur histoire mérite d’être racontée.
Ce sera l’objet d’autres mots, d’autres maux…
Œuvre de Naji al-Ali, publiée en 1980. Droits réservés à la mémoire de l’artiste.

