Franck haïssait ses cousins. René-Primevère, l’aîné, et Pierre-Adolphe, plus jeune de onze ans, avaient fait la fierté de la famille grâce à leurs brillantes études à l’École de médecine navale de Rochefort, puis durant leurs exemplaires carrières de médecins et botanistes, enfin lorsque les deux frères avaient été décorés de la Légion d'honneur. Franck, modeste ouvrier d’imprimerie, jalousait leur réussite, mais ce n’était pas le pire.

En cette fin de XVIIIe siècle où tous trois étaient nés, la République balbutiante avait propulsé dans les mairies des officiers d’état civil souvent moins instruits que les prêtres précédemment chargés de tenir les registres paroissiaux. Les Lumières n’avaient pas éclairé tous les esprits, à commencer par ce paltoquet de fonctionnaire rochefortais qui avait consigné leurs naissances et aurait mérité de recevoir une bonne leçon. Ce maraud n’avait sûrement jamais entendu parler de l’écriture wisigothique médiévale, pas plus que du petit z espagnol, ancêtres des typographies modernes.

Faute de maîtriser l’usage de la cédille, le butor avait noirci à jamais les registres officiels de graphies fantaisistes en répertoriant les naissances de René-Primevère Lesson, Pierre-Adolphe Lesson… et Franck Lecon.

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