19h30.

Les jeunes cavalières viennent de pénétrer le territoire des hyènes et se frayent un chemin déviant de l’allée principale, ce qui n’échappe pas à la docteure.

_ Ay : “ Pourquoi on ne passe pas par l’allée principale ? “

_ Gwen : “ Plus loin, il y a un pont de corde en bois et avec le cheval impossible de passer. Alors on prend un raccourci. “

_ Ay : “ D’accord, en espérant ne pas trouver de dépouille de leur corps en chemin… “

_ Gwen : “ … “

Sous l’éclat de la pleine lune, dans une atmosphère nocturne, une inquiétude germe.

_ Ay : “ Tu crois qu’ils vont s’en sortir ? “

_ Gwen : “ Complètement. “

_ Ay : “ Tu es drôlement confiante. Je te rappelle qu’ils ont perdu une camarade. “

_ Gwen : “ Tu te souviens des deux explorations réalisées par les enfants ? “

_ Ay : “ Oui ? “

_ Gwen : “ Maïko et mon frère nous ont expliqué que sans le sang froid et l’analyse de Ayden, ça aurait pu tourner au drame. “

_ Ay : “ C’est pas faux. “

_ Gwen : “ Concernant la deuxième, Shailly a prouvé avec sa force d’âme. Avec ça, elle galvanise toute l’équipe. “

Un court silence s’installe avant qu’elle enchaîne.

_ Gwen : “ Bref, leur capacité ainsi que leur trait de caractère sont des facteurs clés dans la survie. “

Initialement craintive, la voilà davantage rassurée.

Le bout du raccourci atteint, des soupçons se posent.

_ Gwen : “ Étonnant, nous ne sommes pas tombées sur les hyènes. “

_ Ay : “ Tant mieux, on ne perd pas de temps. “

De notre côté, nous marchons toujours, la fatigue bien présente et pesante.

Encore troublé par l’incident passé ainsi que l’intervention soudaine de Kaya, je décide d’agir, voulant éclaircir mes doutes. J’appelle d’abord Hazel, non loin de notre position.

_ Hazel : “ Oui ? “

_ Ayden : “ Tu peux venir deux secondes s’il te plaît ? “

Il s'exécute.

_ Hazel : “ Dis-moi. “

_ Ayden : “ Peux-tu me remplacer pour Shailly ? “

_ Shailly : “ Désolée, tu es fatiguée par ma faute. “

_ Ayden : “ Non, mais je dois parler à Kaya en privé, c’est important. “

Après ça, Shailly hausse ses sourcils.

_ Hazel : “ Pas de soucis. “

_ Ayden : “ Merci. “

L’échange réalisé, je pars aussitôt rattraper Kaya.

Parallèlement, Hazel remarque du coin de l'œil une grimace se dessiner chez sa partenaire.

_ Hazel : “ Un problème ? “

_ Shailly : “ Non non, je me demande simplement de quoi ils doivent parler pour m’écarter. “

_ Hazel : “ Ne t’inquiète pas, ça ne doit pas être grave. “

_ Shailly : “ … “

De mon côté, j’appelle Kaya qui se retourne immédiatement.

_ Ayden : “ Je dois te parler. “

Aucune réaction apparente ne se distingue chez elle, hormis sa sœur à proximité ainsi que Son, qui vient de m’entendre.

Sans rechigner, elle me suis.

_ Ayden : “ Continuez à marcher, on vous rattrape. “

_ Kona : “ … “

Nous sommes face à face au pied d’un arbre excentrés du groupe.

_ Kaya : “ Qu’est-ce que tu veux ? “

_ Ayden : “ Ça va ton cou ? “

_ Kaya : “ T’es vraiment venu me voir juste pour me dire ça ? “

_ Ayden : “ Non, je voulais te dire merci. “

_ Kaya : “ Hein ? “

_ Ayden : “ Tout à l’heure, tu as pris ma défense en voulant dévier du sujet. “

_ Kaya : “ Qu’est ce qui te fait dire ça ? “

_ Ayden : “ Le secret dont Edna parle est l’affaire des moineaux. Nous sommes seulement 3 à être au courant. “

Légèrement surprise, elle tente malgré tout de dissimuler son émotion après cette phrase pertinente et préfère rester muette.

_ Ayden : “ Si tu ne me contredit pas, ça veut dire que j’ai raison non ? “

Un soupir s’échappe comprenant que la justification est inévitable.

_ Kaya : “ C’est déjà assez d’avoir proposé une coopération avec Edna, alors s’ils apprennent en plus que t’as tué des moineaux, leur confiance sera brisé. “

Puis détourne subtilement son regard.

_ Kaya : “ Et je connais ma soeur, elle ne t’aurait jamais pardonné. “

Mon regard s’intensifie sur elle.

_ Ayden : “ Tu t'inquiètes pour moi ? “

_ Kaya : “ Ne te fais pas d'idées. Si le groupe se divise, tu sais aussi bien que moi qu’on est foutu. “

_ Ayden : “ C’est vrai, ceci dit, avec ton action tu aurais très bien pu te mettre à dos le groupe. “

_ Kaya : “ À dos le groupe ? Pff, uniquement Maïko, alors je m’en fiche. “

Par la suite, un léger sourire se profile.

_ Kaya : “ Pourquoi cette tête ? “

_ Ayden : “ D’apparence tu es froide, mais en vérité, tu es plus bienveillante que tu veux nous le faire croire. “

_ Kaya : “ C’est quoi ces conneries ? N’importe quoi. Bref, je n’aurais pas dû te couvrir. “

Au même moment, un orphelin arrive.

_ Kaya : “ Arrêtons nous là, Son arrive. “

_ Ayden : “ Pas de problème, il est déjà au courant de l’histoire. “

Des yeux s'écarquillent.

_ Kaya : “ Quoi ? Mais tu viens de me dire qu’on était seulement 3 à être au courant ?! “

_ Ayden : “ J’ai menti. “

_ Kaya : “ … “

Elle m'écrase d'un regard scrutateur, une observation cinglante que j'évite en me concentrant stratégiquement sur l'imminence de l'arrivée de mon compagnon.

_ Ayden : “ Qu’il y a t-il Son ? J’ai dit qu’on vous rattrape. “

_ Son : “ Oui oui je sais, mais je voulais savoir si ça allait bien. “

_ Ayden : “ Oui, pourquoi ça irait mal ? “

_ Son : “ C’est vrai haha. Avec tout ce qui se passe, on doit continuer à rester soudé jusqu’au bout. Je m’assure que tout le monde garde le moral. “

_ Ayden : “ Tu fais bien. “

Un léger sourire se dessine chez mon camarade.

_ Son : “ T’inquiète mon pote, n’oublie pas que t’es pas seul. “

Je le copie en retour.

_ Ayden : “ Merci. “

_ Kaya : “ Allez on y va. “

_ Ayden & Son : “ Oui. “

20h.

Notre périple touche à sa fin. Devant nous s'élève une gigantesque enceinte, forteresse impénétrable dont seule l'entrée est hérissée de barricades.

Malgré l'épaisseur des murailles, des notes de musique et des éclats lumineux s'échappent, révélant le village en pleine activité et vivant.

Chacun, moi y compris, écarquille ses yeux.

_ Son : “ Wow les gars, on est enfin arrivés… “

Quand d’autres se montrent plus émotifs.

_ Shailly : “ Notre périple est enfin fini ! “

_ Ayden : “ Pas si vite, on doit déjà s’assurer des circonstances du village. “

_ Shailly : “ Oui, tu as raison. “

Une brève analyse se pose.

_ Ayden : “ Comme convenu et vu l’heure, aucun garde à l'extérieur. “

_ Hazel : “ Ce village à l’air bien plus moderne que le village Sainté. “ dit-il, époustouflé

Soudain, à travers des buissons au loin, nous entendons des bruits, se préparant à toute éventualité.

_ Individu : “ Ahhh mince, je suis en retard pour la fête. “

Nos yeux distinguent bientôt une silhouette, d'une carrure solide et ornée d'une barbe naissante, probablement là même génération que de nos tuteurs. Étrangement dépourvu d'armes, il porte en revanche un heaume de mailles, scintillant faiblement dans la pénombre.

Par la même occasion, j’aperçois un brassard de couleur blanche, signifiant certainement l’appartenance au village Lunaire.

_ Kona : “ Regardez, il possède un brassard ! “ dit-elle, en chuchotant

_ Shailly : “ Ce n’est pas un Reclu alors, c’est rassurant. “

_ Hazel : “ Restons tout de même vigilant. “

Le contact visuel est immédiat et sans appel, reflet d'une interrogation aussi profonde chez l'un que chez l'autre.

_ Individu : “ Des brassards marron ? Je vois, vous n’êtes pas de cette Zone. “

Personne n’ose répondre.

_ Individu : “ Je me demande comment ils ont atterri ici ? Et surtout, ils sont blessés. “

Ne voyant personne prendre les devants, je me lance.

_ Ayden : “ Qui êtes vous ? “

_ Individu : “ Je suis Georges II, un haut placé du village Lunaire en charge des rénovations de bâtiments. “

Le nom évoqué nous interpelle immédiatement.

_ Shailly : “ Vous avez bien dit Georges II ?? “

_ Georges II : “ Euh, oui, pourquoi ? “

_ Ayden : “ Nous venons de la part du camp Khalos. C’est une certaine Orta qui nous a parlé de vous. “

_ Son : “ Oui, apparemment vous êtes amis. “

Par la suite, ses sourcils se haussent.

_ Georges II : “ Orta ? Incroyable vous connaissez mademoiselle Orta ? “

Puis, un sourire se profile.

_ Georges II : “ Aucune raison de se méfier alors. Effectivement, je suis un bon ami de mademoiselle Orta. Leur camp nous rend beaucoup de services pour notre village. Mais bref, si vous êtes là, j’imagine qu’elle vous a parlé du refuge ? “

_ Son : “ Un refuge ? Euh, non. “

_ Georges II : “ Dans notre village, une politique est instaurée. Tous les mineurs de moins de 18 ans et surtout en cas de détresse peuvent être recueillis. De plus, aucune responsabilité ne leur est imposée. “

_ Son : " Nan sérieux ?? "

_ Georges II : “ Oh que oui, vous êtes libre de faire tout ce que vous voulez : combat, jeux à l'extérieur, loisirs… Tant que vous ne dérangez pas les anciens, c’est la belle vie. "

Unanimement, des yeux scintillent, remplis d’un espoir nouveau.

_ Ayden : “ Et quand est-il des majeurs ? “

_ Georges II : “ À partir de 18 ans, vous devez contribuer au village. Différentes tâches vous sont imposées. Disons que c’est une redevance que les réfugiés nous doivent pour les loger et leur offrir une liberté. “

_ Ayden : “ Et s’ils refusent ? “

_ Kona : “ Ayden ! “

_ Georges II : “ Ils n’ont plus l’autorisation de rester au village. Comprenez bien que nous ne sommes pas non plus une garderie. “

_ Ayden : “ D’accord. “

_ Georges II : “ Bien entendu, rien ne vous oblige à rester jusqu'à votre majorité. La plupart reste quelques années avant de partir dans leur terre natale ou ailleurs. “

Mon menton s'appuyant dans la paume de ma main, je plonge dans une réflexion immédiate sur cette donnée majeure.

_ Son : “ Et… Est-ce que nous sommes éligibles ? “ dit-il, inquiet

_ Georges II : “ Vous avez quel âge ? “

_ Hazel : “ La plupart 9 ans. “

Un visage ferme se profile soudainement.

_ Georges II : “ Écoutez, vous avez l’âge requis et votre brassard indique que vous êtes bien étranger à cette Zone. Concernant votre détresse… “

Chacun garde son souffle, impatient du verdict. Puis, ce visage initialement ferme s’apaise.

_ Georges II : “ Vous êtes blessés, salis, probablement affamés et assoiffés. Par dessus tout, vous êtes sûrement des orphelins. C’est largement suffisant pour accepter votre recueillement. “

Après ce verdict positif, toute notre pression se relâche, officiellement libérés d’un énorme poid qui nous ronge depuis notre périple. Pour la première fois, je lâche ma garde, soulagé d'être enfin en sécurité.

_ Georges II : “ Allez trêve de bavardage, une fête est organisée pour fêter les 1 an d’une famille de réfugié. Vous tombez bien, venez tant que la fête continue. “

_ Tous les orphelins : “ Oui ! “

Le haut placé possédant la clé déverrouille l'énorme portail qui, sous une poussée mesurée, s'entrebaille. L'ouverture, révèle une lumière crue, presque agressive, et le tumulte joyeux et discordant d'une fête en plein essor.

_ Son : “ On l’a fait les gars… J’aurais tellement aimé que Jenna puisse voir ça. “ dit-il, ému

_ Ayden : “ Malgré mes choix contestables, j’ai réussi à ramener presque tout le groupe en vie. C’était loin d’être parfait mais je dois être fier de moi. “

_ Puis, je souris.

_ Ayden : “ Il est temps de se repos… “

_ ??? : “ ATTENDEZ !! “

Une vague de frissons nous submerge à l'écho de cette voix inespérée, un son si familier que l'incrédulité nous fige sur place.

On se retourne donc.

_ Georges II : “ C’est qui encore ? “

_ Maïko : “ Impossible… “

Il regarde l’orpheline, les yeux remplis d'interrogation.

_ Georges II : “ Vous les connaissez ? “

_ Ayden : “ Ce sont… nos tutrices. “