

Chapitre 10 : Les flocons de Themis
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Chapitre 10 : Les flocons de Themis
Finalement, je crois qu’à partir de cet instant, une partie de moi s’est enfin libérée. Quelque chose avait changé en dedans. J’apprenais à être égoïste, à me détacher totalement de ce que les “autres” pouvaient bien penser de moi, de mes choix, de ma vie. Je continuais ma route, empruntais les mêmes chemins au quotidien, mais c’était en moi que s’était opérée une transformation intérieure. C’était presque une renaissance. Je m’étais délestée de tout ce poids inerte sur mes épaules, cette peur, réminiscence de l’enfance, que l’on nourrit à l’idée de décevoir notre famille, nos amis, n’avait plus de prise. Cela modifiait tout et redistribuait les cartes des interactions sociales qui, jusqu’à hier, me semblaient primordiales, mais qui aujourd’hui me paraissaient dénuées de sens, vides de substance. Les conversations superficielles, les jugements silencieux, tout cela n’avait plus d’emprise sur moi. Je me sentais légère, comme si une chape invisible s’était envolée, me laissant libre de suivre ma propre destinée sans boulets aux pieds. Je redevenais une louve solitaire, avec un joli poupon en bandoulière. Tout mon être était tendu vers un seul objectif : couper les chaînes, recouvrer ma pleine liberté.
Arrivent les premières fêtes de fin d’année dans ce nouveau microcosme, celles où l’on s’émerveille d’être ensemble, en feignant d’ignorer les absences, les frimas de l’hiver et les bottes fourrées, les petits nez rouges que l’on emmitoufle. Le premier réveillon sans Fleur, l’attente de son retour, l’angoisse de son absence, et ce téléphone qui n’en finit pas de ne pas sonner. Dans cet écosystème miniature, où ma fille et moi formons un duo, je ne fais de place pour personne d’autre que nous. Pourtant, de plus en plus, mon être réclame une présence contre moi. C’est un peu comme une valse lente, comme un printemps intérieur : on ne perçoit à peine les premières mesures du violon, on ne ressent pas vraiment que ça pousse, que ça germe, sous la peau, ça s'immisce sous le derme, irradie dans les veines, ça creuse des tunnels. Et un matin, semblable à tant d’autres, c’est comme si une toute petite porte de la taille d’une souris s’ouvrait en soi, sans raison apparente. Alors, on commence à redresser la tête, à ouvrir les yeux, et on décide de laisser entrer la lumière en grand. S’autoriser à sourire de nouveau, se laisser troubler par un regard qui se pose un peu plus longtemps qu’il ne le devrait... On frôle une main, on respire un parfum, et on se surprend à penser que peut-être, un jour, on acceptera une nouvelle brosse à dents dans la salle de bain. Et puis, on se souvient que notre précédent chapitre n’est pas encore tout à fait clos, et on referme doucement la porte, même si on sait très bien que les verrous en sont, désormais, tombés.
Sur le frigo, tenu de guingois par un magnet “Stitch”, la convocation au tribunal me renvoie à mon décompte intérieur à chaque café ensommeillé. Je l’attends, le guette, ce jour fatidique où le blason du roi rival ne ternira plus mon nom par sa juxtaposition. Et ce grand jour finit, enfin, par se lever sous un épais manteau neigeux. J’avais imaginé ce matin de mille manières, de mille couleurs, mais jamais nimbé de coton blanc. J’ai toujours adoré la neige, elle me remémore mon Auvergne natale, la maison de mon enfance, les Noëls en famille et toute cette féérie que j’avais chevillée au corps. Elle porte en elle la magie de la nature, celle qui maquille les défauts de notre décor, les unifie et fait briller nos yeux. Mais sous mes latitudes bretonnes, cette neige, aussi rare qu’une oasis dans le désert, s’invite en un souvenir lointain appartenant seulement à la petite Juliette, celle que j’ai perdue en chemin. Sa présence derrière mes vitres m’inquiète un peu, une fois l’euphorie de sa vision évaporée. Fleur, les yeux pétillants d’une excitation tout enfantine, trépigne d’impatience.
Pendant son petit déjeuner, électrisée, elle virevolte, sautille et court d’une fenêtre à l’autre, comme pour confirmer que les flocons ne se sont pas volatilisés. Je lutte pour la contenir, touchée de la voir ainsi, se comporter comme je le faisais à son âge, avec cette innocence magique et édulcorée dont seuls sont capables les enfants. Malgré toute la sombre boue qui nous cernait depuis des mois, j’avais réussi à la protéger de la noirceur dans laquelle Will nous avait entraînées. Le cœur sur le point d’éclater d’un amour débordant, je jette un œil à l’horloge qui me rappelle à l’ordre. “C’est vraiment pas le jour pour être en retard... Que c’est chiant d’être adulte, j’aurais bien aimé descendre dessiner un ange dans la neige”
Une fois les dernières céréales englouties, le minois débarbouillé, les bottes et les moufles enfilées, nous descendons les rues qui nous séparent de la crèche, nos pas crissant sur la poudreuse, nos joues rougies par le froid de la rue, avant de nous engouffrer dans la chaleur tropicale du jardin d’enfants. Quelques minutes et plusieurs câlins plus tard, je ressors de “l’unité des Dauphins” et renonce à la douceur de ce petit monde enfantin pour affronter l’univers triste des adultes qui se désaiment. J’abandonne ce refuge de bébés potelés comme si je descendais d’un nuage coloré, allume une cigarette, en exhale la fumée qui s’arabesque en volutes dans l’air glacial. Les rires et l’euphorie s’estompent, ne laissant place qu’à l’approche inéluctable de l’échéance, minute après minute, seconde après seconde.
En tournant au coin de la rue pour me diriger vers le tribunal tout proche, c’est comme si une armure invisible se matérialisait autour de moi, en bouclier contre les épreuves à venir. À chaque pas, ma couronne, mon heaume et mon corselet m’enveloppent d’une aura guerrière, m’escortant au combat. Aujourd’hui, tout devrait se dérouler sans encombre, même si les intentions de William restent nébuleuses, tout comme sa connaissance de ma vie actuelle. En tout cas, c’est que j’aime à penser. Mais peut-être que Stella lui a confié des secrets que j’aurais préféré garder pour moi, qui sais ? Après tout, tant pis, je n’ai rien à cacher et puis, tout finit par se savoir...C'est bien comme ça, qu’on dit, non ? Mon esprit est en ébullition ; je me prépare au pire, cherchant à me prémunir de toute éventualité. Ce divorce par consentement mutuel, déjà scellé par la signature de William au bas de la convention — un paraphe arraché à un roi vacillant le jour où la vérité sur le “stalker” a été révélée — devrait être homologué par le juge. Pourtant, l’angoisse me saisit à l’idée qu’il puisse changer d’avis et extirper une mauvaise surprise de son triste chapeau gris.
A la volée, j’attrape un bus, glisse ma carte, m’installe en soufflant sur le bout de mes doigts gourds pour les réchauffer, quand soudain, je l’aperçois dans le fond du véhicule qui, nonchalamment, nous emmène vers notre destin. Il est debout, figé, drapé dans son long manteau noir hors d’âge, déjà isolé sur son échiquier. Nos yeux se croisent un instant, sans que je ne puisse y déchiffrer la couleur de son fiel. Les roues glissent sur le bitume givré, et les passagers, tels des pions sur un damier, oscillent au rythme des virages. Lui, mon adversaire tout de noir vêtu, reste imperturbable, une statue parmi les vivants. La ville défile, indifférente au duel qui nous oppose, en une scène suspendue entre magie et pragmatisme. Les lumières alentour en étoiles filantes, traversent les vitres embuées, éclairant brièvement notre confrontation silencieuse. Dans ce huis clos en mouvement, chaque passager est absorbé par son propre monde, ignorant le jeu d'échecs grandeur nature qui se joue sous ses yeux.
Mon regard, aimanté par cet homme qui n’est plus le mien, cherche un indice, un geste qui trahirait ses intentions. Mais il reste de marbre, maître de son jeu, gardant jalousement ses secrets cadenassés. Et alors que nous nous approchons de notre destination, je me demande à quel moment précis de
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