

Extraits de Exil, Sillages
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Extraits de Exil, Sillages
Voyage au bout du monde. Exil exhume un secret de famille dans l'atmosphère tropicale, paradisiaque, d'un atoll du Pacifique.
Extrait 1
Confortablement assise dans ce fauteuil désuet, Sophie éprouve au fond de son ventre cette désagréable impression qu’ont les gens pris en faute lorsqu’ils sont contraints de révéler leur intention secrète.
— Je ne t’ai pas dit que j’avais perdu ma grand-mère. Je l’aimais beaucoup… Elle avait deux ans de moins que toi. Ma grand-mère te connaissait…
— Ah bon ! s’étonne Justine en se redressant brusquement, fixant Sophie, le regard soudain inquiet. Comment s’appelait-elle ?
— Solange. C’est dit ! Un silence, à peine troublé par le froissement des palmes d’un jeune cocotier qui ondule dans l’encadrement de la porte d’entrée, s’installe. Brusquement, Justine le rompt en marmonnant :
— Ça alors ! Tu es donc ma petite nièce !
— Oui.
Extrait 2
Au gré de l’alizé léger, des nuages s’agrègent sur la ligne d’horizon ; la palette de bleus se décline jusqu’à mourir dans un dernier souffle, diaphane, au rivage. Sophie tente d’évaluer la profondeur de cette transparence trompeuse depuis la terrasse sur pilotis en surplomb sur le lagon. Des requins à pointes noires, peu inquiets, à l’affut de quelques reliefs providentiels qui tomberaient entre les lattes de bois, sillonnent l’aquarium. Installée devant une grande assiette garnie d’un sashimi mangue, d’une poignée de frites, d’un petit bol de riz et une canette « Rotui [1]» de jus d’ananas, elle sourit en remarquant les « Christmas » dans les médaillons blanc crème de la toile cirée rouge vif ornée de feuilles de houx, quelque peu insolites en mars. Dans l’eau jusqu’à la taille, deux hommes installent un filet de pêche sur un banc de sable. Tranquillement, l’un d’eux, armé d’un harpon qu’il laisse traîner négligemment dans l’eau, se rapproche du rivage, prêt à empaler un malheureux perroquet qui sera délicieux dans l’assiette. Deux chiens, à distance, le suivent à la nage, traçant dans leur sillage deux rides s’évasant à la surface de l’eau. Quelques touristes bruyants, exaltés par leurs plongées de la matinée, échangent quelques photos. Ses yeux se tournent vers la coque jaune citron, rutilante, d’un petit bateau de pêche, suspendue au bout du ponton. Un filet sèche à l’ombre sur un vieux tronc fourchu. Rêver un impossible rêve… Jacques Brel l’a si bien mis en mots ! Il y a un mois, le nez collé au hublot, le smartphone en mode rafale, envahie par une sensation d’étrangeté, euphorique, Sophie avait découvert depuis l’avion ces atolls à la surface de l’océan. Dans son esprit déformé par son quotidien professionnel, leur alignement avait évoqué celui des vésicules en voie de guérison d’un zona, essaimées le long d’un trajet nerveux de la peau. Qu’elle en avait rêvé de cette vie insulaire à l’autre bout du monde, à des années-lumière du train de banlieue bondé qui, chaque matin, l’amenait à l’hôpital Foch à Suresnes Mont Valérien ! Et puis, elle avait promis à mémé Solange qu’elle retrouverait sa sœur Justine. Elle n’en était plus très loin.
[1] Le mont Rotui de Moorea a donné son nom à la marque de jus de fruits.
Iris Thaumas, Sillages - Iris Thaumas

