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Jean/Luc

Jean/Luc

Publicado el 19, ago, 2025 Actualizado 19, ago, 2025 Drama
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Jean/Luc

Jean a 58 ans. L’âge où le corps commence à jouer ses petites symphonies grinçantes. Son genou craque chaque fois qu’il monte les escaliers, son épaule proteste quand il soulève les courses, et sa bedaine s’installe sans qu’il n’ait vraiment son mot à dire.

Il travaille depuis plus de trente ans comme agent communal dans une petite ville de province. Ce n’est pas le genre de métier qui brille sur un CV, mais Jean en est fier. C’est lui qui s’occupe des parcs, qui taille les haies autour de l’école, qui accroche les guirlandes de Noël sur la grande place.

À la maison, il mène une vie tranquille. Monique, sa femme depuis trente-cinq ans, l’appelle affectueusement « mon ours ». Leurs deux enfants sont grands maintenant, partis vivre leur vie.

Jean a un caractère doux, une patience à toute épreuve… sauf quand il perd ses lunettes. Alors, il peste, fouille partout, jusqu’à ce que Monique lui fasse remarquer qu’elles sont posées sur son front.

Au volant, il est connu pour sa prudence excessive. Ses enfants disent qu’il aurait été plus à l’aise avec une charrette à cheval qu’avec une voiture moderne. Mais aujourd’hui, tout déraille. La pluie tombe, fine, traîtresse. Un virage. Une seconde d’inattention. Et la voiture quitte la route.

Quand les pompiers arrivent, Jean respire encore. Ses jambes, son dos, ça ira. Mais son cœur, lui, ne suit plus.

Les médecins sont clairs : il lui faut un nouveau cœur.

Pas demain.

Pas dans trois mois.

Maintenant.

Allongé dans un lit d’hôpital, entouré de machines qui bipent comme un orchestre déréglé, Jean ferme les yeux. Il se demande s’il reverra un jour les lumières de Noël qu’il installe chaque hiver.

Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’à quelques kilomètres de là, un autre destin bascule. Celui de Luc.

- - - - - - - - - - - - - - - - -

Luc a 32 ans. L’âge où l’on se croit encore invincible. Son corps obéit au doigt et à l’œil, son cœur bat comme une horloge. Luc court le matin, pas parce qu’il le doit, mais parce qu’il aime ça : la foulée légère, les écouteurs vissés dans les oreilles, la sensation que la journée lui appartient déjà avant même que les autres se lèvent.

Il vit en ville, dans un petit appartement rempli de plantes vertes qu’il oublie parfois d’arroser, mais qui survivent malgré tout. Son sac photo ne le quitte jamais.

Côté caractère, il est généreux, un peu désordonné, toujours en retard mais jamais de mauvaise foi.

Luc a des projets plein la tête. Il parle de partir un jour au Vietnam, d’écrire un livre photo, d’acheter une vieille camionnette pour la retaper et voyager sur les routes.

Il n’imagine pas une seconde que son temps est compté. Que dans quelques heures, son cœur va quitter son corps pour continuer ailleurs.

Luc n’a pas peur de la mort. D’ailleurs, il n’y pense jamais. Mais il a fait un choix, un jour, sans réfléchir longtemps : en cochant la case « donneur d’organes » sur sa carte d’identité. Autant servir à quelque chose, même après », avait-il dit en rigolant à son amie Claire.

Luc roule sur sa vieille moto. Pas une grosse cylindrée, non, juste une petite 125 qui lui permet de se faufiler dans la circulation et de sentir le vent sur son visage.

Il ne pleut pas, mais le bitume est encore humide de l’averse du matin. Luc est prudent, mais distrait. Dans ses écouteurs, il fredonne une chanson qu’il connaît par cœur.

À une intersection, un camion tourne un peu trop vite. Le conducteur n’a pas vu la moto. Luc freine, fort, trop fort. La roue chasse. Une seconde d’éclat, une seconde de silence. Puis le choc.

Son casque heurte le sol. Son corps est projeté, désarticulé, et retombe lourdement sur l’asphalte. Autour, tout s’arrête. Des passants crient, quelqu’un appelle les secours. Le chauffeur du camion descend, tremblant, le visage blême.

Luc respire encore. Mais déjà, quelque chose se déchire à l’intérieur. Les minutes passent comme des heures. Quand les pompiers arrivent, il n’y a plus rien à faire pour lui.

Enfin, presque plus rien.

Car son cœur, lui, bat encore. Fort. Fidèle. Comme s’il refusait d’abandonner. Les médecins, à l’hôpital, constatent vite ce que Luc avait décidé de son vivant : il est donneur. Alors, avec une infinie précaution, ils préparent ce cœur intact, ce moteur de 32 ans, pour un autre corps.

À quelques kilomètres de là, dans une chambre saturée de bips et de respirations artificielles, Jean s’accroche encore à la vie. Et ce que Luc ignore, ce que Jean ne sait pas encore, c’est qu’un fil invisible vient de les relier.

Bientôt, son cœur va continuer à battre. Mais ailleurs.

- - - - - - - - - - - - - - - - -

Dans la chambre d’hôpital, le temps s’étire. Jean somnole, branché à ses machines, la main de Monique serrée dans la sienne. Elle ne le lâche pas. Ses yeux sont gonflés, rouges d’inquiétude, mais elle garde le silence. Elle sait qu’un mot de travers pourrait briser ce fragile fil d’espoir auquel ils s’accrochent.

Un bruit de pas précipités dans le couloir, puis la porte s’ouvre. Le médecin entre, accompagné d’une infirmière. Son visage est grave mais il y a, dans son regard, une étincelle différente cette fois.

- Madame, Monsieur… Nous avons une nouvelle.

Monique se redresse d’un bond. Jean cligne des yeux, un peu perdu, comme si la douleur et les calmants brouillaient son esprit.

- Nous avons un donneur, dit le médecin doucement. Un cœur disponible. Compatible.

Le mot « cœur » résonne dans la pièce comme un coup de tonnerre. Monique porte sa main à sa bouche, les larmes jaillissent aussitôt. Jean, lui, reste figé. Il n’arrive pas à croire qu’on lui offre une seconde chance.

- C’est… pour moi ? balbutie-t-il.

Le médecin hoche la tête.

- Oui. L’équipe chirurgicale se prépare déjà. Tout doit aller très vite.

Jean tourne la tête vers Monique. Elle sourit à travers ses larmes, et ce sourire-là, il ne l’oubliera jamais.

- Tu vas t’en sortir, mon ours, souffle-t-elle.

Il ferme les yeux, incapable de répondre. Une vague de gratitude l’envahit. Gratitude pour ces médecins qui se battent pour lui. Gratitude pour cette vie qu’il n’a pas encore vécue. Et, sans savoir pourquoi, pour cet inconnu, quelque part dehors, qui vient de lui tendre la main à travers la mort.

Les infirmiers s’approchent, préparent le brancard. Les machines continuent de biper, implacables, comme si elles comptaient les secondes. Jean est emmené vers le bloc opératoire, son cœur usé battant faiblement, en attente d’un autre, plus jeune, plus fort.

Derrière lui, Monique murmure une prière qu’elle n’a pas dite depuis des années.

- - - - - - - - - - - - - - - - -

Après l’opération couronnée de succès, Jean se remet doucement. Les jours passent, rythmés par les visites de Monique, les contrôles médicaux, les séances de rééducation où il se surprend à marcher plus vite qu’avant. Chaque battement dans sa poitrine est comme un rappel : il n’est plus tout à fait le même.

Mais une question le ronge. Qui était cet homme grâce à qui il respire encore ? Quel était son nom ? Sa voix ? Sa vie ?

Un matin, alors qu’il est assis dans sa chambre, les pieds ballants au bord du lit, il demande au médecin venu vérifier sa tension :

- Docteur… dites-moi… qui m’a donné ce cœur ?

Le médecin hésite, comme toujours dans ces cas-là.

- Vous savez, il y a un cadre légal strict. Nous ne pouvons pas donner de détails personnels. Pas d’adresse, pas de visage.

- Je comprends… Mais… son prénom. Juste son prénom. J’ai besoin de savoir au moins ça.

Un silence. Le médecin baisse les yeux, puis finit par répondre doucement :

- Luc. Il s’appelait Luc.

Quand Monique entre un peu plus tard, elle le trouve songeur.

- Tu as l’air ailleurs, dit-elle.

- Non, je suis là. Plus que jamais. Mais je sais enfin comment il s’appelait.

- Qui ça ?

- Celui qui m’a donné sa place. Celui qui bat, là, dans ma poitrine. Luc.

Monique hoche la tête.

Alors Jean prend sa décision.

- Je ne veux plus m’appeler seulement Jean. Ce serait… trop égoïste. J’ai deux vies, maintenant. Alors je veux deux prénoms. Jean-Luc. Comme ça, à chaque fois qu’on m’appellera, je saurai que je ne marche pas seul.

#BodNouvelle

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