Jardin d’été,

Dimanche 6 juillet 2025

Mes chères notes,

Vous qui vous conjuguez au présent et au passé, quel sera votre futur ?

Vous qui vous empilez sans maudire sur mon tas d’idées, parfois écrasées sous le poids de la pile, quelle sera la prochaine à vous rejoindre ?

Que fais-je de mes notes ?

La même chose que tous les auteurs. Parfois, je vous relis et vous me racontez vos souvenirs, vos incertitudes ou vos vérités d’une certaine époque. Parfois je suis dévoré entre l’envie de vous partager et le frein qu’impose un geste aussi intime.

Vous, mes notes d’il y a treize ans qui me parlez de la guerre. Cette fameuse guerre, inévitable, que j’ai d’abord consommé comme une émission de plus, sans conscience des familles déchirées et des vies brisées. Jusqu’à ce qu’elle nous touche directement. J’ai préféré vous garder dans l’ombre.

J’ai préféré écrire la vie.

Vous mes notes d’un peu plus tard sur Ma Vie Sans Sucres Ajoutés. Vous avez parfois été les notes de la colère avec vos maux et vos ratures, avant de devenir les notes d’une renaissance et d’un partage. Des notes de vérités pas encore bonnes à dire vous ont rejoint dans l’épaisse chemise.

Vous mes notes d’à peine hier, où je m’inquiète de reconnaître le dos de Rémy Fassol. Vous êtes cette légèreté dont j’ai besoin mais que j’exprime du bout des lèvres pour ne pas devenir un tsunami. Vous êtes peu d’orphelines qui n’aient pas encore servi dans une publication. Mais vous me rappelez que ma renaissance n’est pas encore achevée.

Vous mes notes pleines de fautes créatives que personne n’a encore corrigé. Vous avez connu le déménagement qui désorganise un peu. Et ce fut une bonne occasion de vous réorganiser. Mais vous étouffez dans votre tas de feuillets.

Là sur votre étagère, vous connaissez la plénitude propre à la libération de toute charge mentale. Puisque c’est l’encre de mes stylos qui font votre mémoire. Il parait que les zombies connaissent aussi cette plénitude. Il parait aussi que la méditation nous libère de nos charges mentales. Question : Peut-on devenir un zombie en méditant ? J’espère plutôt renaître en méditant.

Et vous, mes notes de fond de tiroir qui n’avez pas choisi votre royaume, vous faites ce que vous pouvez sans bousculer le temps. Avec vous, j’ai posé les plans d’articles de fonds que j’ai suicidé. Je ne voulais pas que les mots soient ceux de la colère au détriment d’un travail de qualité. En vous relisant, j’ai parfois l’impression que vous n’êtes pas de moi. Mais c’est bien mon écriture.

Mes chères notes, qui vous êtes reconnues dans cette lettre, chacune d’entre vous est un petit morceau de moi.

Votre auteur,

Photo de couverture : Daniel C. Muriot, collection personnelle. Tous droits réservés.