

Le concours d'écriture de nouvelles Les Plumes Nouvelles de la Choquette 2025 Incipit imposé "Il n'avait rien de précis en tête, mais..."
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Le concours d'écriture de nouvelles Les Plumes Nouvelles de la Choquette 2025 Incipit imposé "Il n'avait rien de précis en tête, mais..."
Ça finira par être un bon souvenir
Il n’avait rien de précis en tête, mais il sentit son cerveau bouillonner. Se débarrasser au plus vite des collègues qui fleurissaient le rond-point, prendre la voiture et rouler… Rouler jusqu’à l’école. Elle allait dérouiller cette grognasse ! C’était quoi ce mail de flicard reçu ce matin parce que le Mike avait ramené une balle de fusil à l’école ? Non mais quelle débile son instit’ ! C’était un porte-clés, pas une vraie balle ! Je t’en foutrais d’un « comportement inquiétant » moi ! A croire qu’elle ne savait pas ce que c’était qu’un mioche alors que c’était son putain de boulot ! Elle voulait discuter avec lui du comportement de Mike. Elle proposait un rendez-vous en fin de semaine. Non, non, non, poulette, on allait se rencontrer pour la première fois ce soir, et on verrait bien qui c’est le patron !
Il en était là de ses pensées lorsqu’il fut interrompu par un troupeau de moutons qui traversait la départementale. Un border collie les menait tranquillement dans le parc en contrebas, comme un vrai chef d’orchestre. Benga fit une embardée pour éviter l’accident. Il s’arrêta dans un nuage de poussière, sortit de sa vieille Honda Civic et chercha le berger de part et d’autre de la route. Il l’aperçut au milieu du champ où les « méchouis sur pattes » commençaient à élire domicile. Il décida qu’il pouvait perdre cinq minutes pour foutre une bronchée à l’agriculteur. Ce qu’il fit de manière magistrale. Puis il redémarra rapidement. Personne n’était passé pendant ce laps de temps, et heureusement : il l’avait salement amoché le petit berger !
Vite, l’école maintenant. Il devait régler son compte à cette incapable. Quelle société ! Que des peigne-culs, des bons à rien ! Fallait tout contrôler, tout vérifier, tout refaire. Non mais que des impuissants ! Comme au boulot, pareil ! Comme en taule, pareil ! Comme à la baraque, pareil ! On ne pouvait se fier qu’à soi-même.
Il repensa à son incarcération pour vol et à son petit séjour en prison. Là aussi, il avait fallu en mater plus d’un pour se faire respecter. Il avait d’ailleurs hérité d’un surnom qui en disait long sur lui : le Goonch. Ce poisson géant vivait dans les eaux de la rivière Kali au Népal, et avait un penchant pour la chair humaine. S’attaquer à des humains sans la moindre pitié, voilà une définition qui correspondait bien à Benga. Mais la comparaison avec ce monstre d’eau douce ne s’arrêtait pas là. Petits yeux malsains, regard sournois, deux mètres et cent-trente-cinq kilos de graisse et de muscles complétaient la description. Afin que la vie carcérale ne soit pas synonyme d’une trop grande solitude, Benga avait tissé des liens solides avec deux de ses camarades prisonniers : le Polonais et le Surdoué. Ils l’avaient aidé à passer ces quelques mois d’enfermement de la moins pire des manières. Le Polonais gérait l’approvisionnement, tandis que le Surdoué lui évitait l’isolement.
Le trio se contactait encore deux ou trois fois dans l’année pour se remémorer les bons souvenirs de la zonzon et se remplir la panse de bière au comptoir de Robert, le vrai nom du Polonais. Alain, qu’on surnommait le Surdoué à la prison, n’avait pas mis à profit ses capacités intellectuelles pour faire du fric. Il zonait encore du côté de chez sa mère…Putain ! A quarante berges, c’était la honte !
Lui, à quarante ans passés, avait plutôt bien tourné : une famille, un boulot, quelques petits extras pour vivre décemment. Monsieur tout le monde, en quelque sorte. La liberté en plus, car la Laura l’avait dans la peau et elle lui passait tout : ses infidélités, ses petits trafics, ses accès de colère… Tout. Il pouvait tout faire, tout prendre. En même temps, c’était ce qu’il attendait d’une femme, de toutes les femmes. Ces pétasses indépendantes, libres de faire tout ce qu’elles voulaient sans l’autorisation du boss, c’était à gerber ! Il ne pouvait y avoir qu’un chef de meute, et ce rôle devait être tenu par le mâle dominant. Point.
Laura était bien loin de ce féminisme puant ! Benga la manipulait à souhait, contrôlait tout, du lever au coucher. Il eut un petit rictus en pensant à ce matin. Il y était allé un peu trop fort, mais elle aimait ça la Laura. L’amour violent, dominant, elle ne disait jamais non. Ses gémissements prouvaient le contraire. La femme soumise par excellence. Son jean enfla au niveau de l’entrejambe en se remémorant la scène matinale. Il regarda l’heure sur le cadran de la voiture : 17H passées. Pas le temps de faire un détour par la maison. Dommage…Il fallait qu’il choppe cette « cul serré » d’instit’ avant qu’elle ne se barre. Il accéléra en espérant ne pas la louper.
Lorsqu’il arriva devant l’école, il décida de se garer à l’arrière de l’établissement, sur les places réservées au personnel. Il savait que la prof de Mike ne se déplaçait qu’en vélo électrique et il en vit un accroché au grillage de l’école. Il sortit sa lourde carcasse de la voiture, s’étira longuement, puis s’adossa au van du vétérinaire qui devait être en train d’aider au vêlage dans la ferme en contrebas. Il n’eut pas le temps de réfléchir à la suite des évènements qu’il sentit une piqûre s’enfoncer dans son cou et un liquide se répandre dans ses veines.
« Salut, Benga, tu reconnais ma voix ? »
Benga mit un certain temps à émerger. Il était assis sur une chaise d’écolier mais il ne pouvait pas se mouvoir : des colliers serflex aux poignets et aux chevilles l’en empêchaient. Un mal de crâne à rendre cinglé l’immobilisait peut-être encore plus que les liens. A l’odeur, il avait l’impression d’être dans une vieille cave en terre battue. Mais il ne pouvait en être sûr car il n’arrivait pas à ouvrir les paupières. Après quelques secondes de flottement, il se concentra sur la voix qu’il venait d’entendre. Il ne la remettait pas. Mais pour l’appeler Benga, elle devait appartenir à quelqu’un qui le connaissait personnellement depuis longtemps. Ami ou ennemi. Et au vu de sa position plus qu’inconfortable, Benga pencha plutôt pour la seconde option.
« Tu as besoin que je te rafraîchisse la mémoire ? »
Et sans attendre de réponse, il enchaîna :
« Tu n’as pas été bien difficile à retrouver. Cela fait plusieurs mois qu’on t’observe à distance et qu’on cherche la meilleure façon de t’atteindre. »
Benga essaya de dire quelque chose, mais il ne sortait que de la bouillie verbale de sa bouche. « Collège Louis Armand, année 1991, Hélène et Jérôme Crémel. C’est bon, tu nous remets ? »
Les jumeaux Crémel. Benga réussit à entrouvrir les yeux, et aperçut non pas la silhouette frêle d’un jeune collégien, mais un corps sculpté d’athlète. Les souvenirs affluèrent. Au début des années quatre-vingt-dix, Benga était la terreur et en même temps la star du collège Louis Armand. Du haut de ses treize printemps et de son mètre quatre-vingts, même les troisièmes ne se frottaient pas à lui. Les Crémel étaient ses souffre-douleurs. Tous deux si timides, si faciles à impressionner. Il s’était montré très dissuasif pour que les jumeaux ne parlent à personne de ce qui se passait entre eux. Soudain, une autre voix retentit dans l’espace clos et le fit frissonner :
« Te voilà enfin ! Ça fait trente ans que j’attends ce moment. »
C’était Hélène Crémel. Il la reconnut immédiatement et put lire la détermination dans son regard quand autrefois c’était la frayeur qui mangeait ses yeux. Elle reprit :
« On a vraiment tenté de t’oublier, de te rayer de nos vies, comme si tu n’avais jamais existé. Notre père a été muté en Bretagne l’été suivant. Puis, les années ont passé ; Jérôme est devenu vétérinaire, et moi instit’. Mais dans nos vies privées, c’était l’horreur. Nous voulions notre vengeance pour nous reconstruire. Le destin a voulu qu’on retrouve ta trace l’année dernière. Jérôme a postulé dans le cabinet vétérinaire le plus proche, et moi, j’ai demandé un poste dans l’école de ton fils, Mike. Tellement facile d’être mutée dans un département aussi pourri que celui dans lequel tu t’es installé ! Et nous voilà. »
Benga suffoquait. L’air devenait irrespirable dans le van. Car il en était sûr maintenant, les jumeaux Crémel le retenaient prisonnier dans ce putain de van.
« T’as dû démarrer au quart de tour en lisant le mail ce matin, non ? Tu es parti plus tôt du boulot pour venir à l’école me rencontrer, et surtout me montrer qui est le chef c’est ça ? On te connaît par cœur Benga. »
Il tenta de dire quelques mots mais il n’en était pas capable.
« Cherche pas à ouvrir le bec. Je t’ai refilé de l’étorphine et de la kétamine dans la seringue. Savant mélange ! Juste ce qu’il faut pour qu’on ait le temps de faire ce qu’on a à faire sans que tu nous fasses chier. »
Hélène et Jérôme se rapprochèrent de Benga, leurs visages déformés par la haine, leurs démarches déformées par la vengeance. Elle l’enjamba, s’approcha lentement de son oreille et, tout en lui enfonçant son poignard Buck dans le ventre, lui murmura :
« T’inquiète, ça finira par être un bon souvenir. »
Et Benga de reconnaître les mots qu’il prononçait à chaque fois qu’il abusait d’elle.


Jackie H hace 2 días
Parfois faut savoir mettre sa vengeance au congélateur... 😆
Annaële Bozzolo hace 2 días
c’est tout à fait ça! 👍