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CHAPITRE 8

CHAPITRE 8

Pubblicato 14 set 2025 Aggiornato 14 set 2025 Paranormal romance
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CHAPITRE 8

La chambre d'Arthur était silencieuse ce matin. Trop silencieuse, même pour lui.

Il se tenait immobile devant le valet de bois. Son uniforme pendait là, défiguré, tel un corps abandonné, depuis le début des vacances de la Toussaint. Les manches tailladées net, la veste éventrée de longues entailles, brutales, méthodiques. Le tissu bleu marine, pourtant solide, ne s’en remettrait pas. Will avait consulté une couturière en ville. Elle avait ri, disant qu’il valait mieux tout jeter. Les pièces étaient irréparables.

Il ne bougeait pas. Il observait.

Il n’avait pas crié, ni réagi, lorsqu’il l’avait retrouvé roulé en boule dans un coin des vestiaires, dissimulé sous son sac de sport. Il l’avait ramené ici, plié avec soin — par instinct, peut-être, pour sauver ce qui pouvait l’être.

Stupides humains.

Il effleura du bout des doigts une couture arrachée.

Les coups de ciseaux, les boutons arrachés, tout trahissait une rage sourde. Pas contre l’uniforme. Contre lui. Sa manière d’être. Sa beauté glacée. Son inaccessibilité. Son silence. Et, bien sûr, le fait qu’il était devenu la coqueluche d’une nuée de filles. Une armée de regards braqués sur lui.

Il dérangeait.

Ce n’était pas nouveau. Un graffiti, dans les toilettes du bâtiment principal, l’avait représenté de manière obscène, accroupi devant un sexe dressé. Effacé en hâte par le personnel, quand l’affaire avait remonté. Puis les murmures. Les allusions. Des rumeurs salissantes sur une prétendue vie sexuelle débridée — un comble, lui qui restait sans doute le plus chaste de tous les élèves de l’Académie.

Il ferma les yeux un instant.

Il pensa à ses crocs. À ce qu’il aurait pu faire. À ce qu’il aurait voulu faire.

Mais il n’avait rien fait. Rien dit. Il n’avait laissé s'échapper aucune protestation de sa bouche.

Il décrocha lentement la veste. Elle se déchira un peu plus, dans un bruit sec et misérable. Un vêtement mort. Il la plia avec une précision glaciale et la posa sur le lit. Ce matin, il savait que Carmilla l’emmènerait en ville pour régler ce léger problème. Une visite à la boutique de l’Académie, dans le centre de Paimpont.

Il se dirigea vers sa penderie, ouvrit les portes hautes et observa l’alignement parfait de ses vêtements. Classés par pièce, par couleur, par matière, par saison. Cette discipline vestimentaire le rassurait. Il avait un faible pour les costumes trois pièces, les vestes d’un autre siècle, les étoffes nobles. Une élégance ancrée qui ne s’accordait pas à l’air du temps.

Son regard glissa sur les étoffes. Puis une pensée.

Une silhouette.

Un prénom.

Esteban.

Un frisson lui remonta l’échine.

Pourquoi je pense à lui ? Je ne le reverrai sans doute pas. Ce n'était qu'un touriste. Un garçon de passage.

Et pourtant… ce jogging noir. Cette coupe travaillée dans une négligence étudiée. Ce regard d’un bleu orageux. Ce sourire qui, s’il se déployait, pouvait tout emporter.

Arthur resta suspendu à ce souvenir. Sa main se posa machinalement sur une veste en velours noir, élégante, un rien dramatique.

— Je devrais peut-être me mettre à la page... souffla-t-il.

— Pourquoi ? Vos vêtements font partie de votre personnalité, répondit une voix posée derrière lui.

Will venait d’entrer sans bruit, fidèle à son habitude. Impeccable dans son costume sombre.

— Souhaitez-vous de l’aide pour vous vêtir ? demanda Will, d’un ton feutré.

Arthur acquiesça d’un signe de tête et se recula pour le laisser faire.

— Voulez-vous ressembler à tous ces jeunes ? reprit Will, un sourcil à peine levé.

— Peut-être... répondit Arthur, la voix basse.

— Alors je vais vous sélectionner ce qui se rapproche le plus de ce monde humain sans saveur, soupira Will.

Arthur esquissa un bref rire.

— Vous aussi, vous êtes prisonnier de votre époque... Vous ne supportez pas cette décadence vestimentaire, n’est-ce pas ?

Will s’arrêta sur une chemise noire, qu’il décrocha avec soin.

— J’estime surtout que vous avez le droit d’être ce que vous êtes. Si ce dressing vous ressemble, portez-le. Assumez-le. N’ayez aucune crainte. N’écoutez pas ceux que votre singularité rend amers.

Ses doigts glissèrent avec précision entre les cintres jusqu’à trouver un pantalon particulier. Le seul jean de la penderie. Beige, sobre. Il l’en sortit, l’assortit d’une veste de la même teinte.

Il tendit l’ensemble à Arthur, sans un mot de plus.

Arthur resta un instant immobile, observant la tenue. Ce n’était ni tout à fait lui, ni tout à fait un autre. Un entre-deux. Peut-être était-ce ce dont il avait besoin.

— Si, par un improbable hasard, vous recroisiez ce garçon... celui qui a troublé votre esprit... peut-être serait-il bon de ne pas lui sembler venu d’un autre siècle.

Arthur fronça les sourcils.

— Vous prenez quelques libertés, Will. Je ne pense pas le recroiser. C'était très certainement un touriste. À la fin des vacances, il disparaîtra avec sa famille que j’ai entraperçue.

Un mirage.

— Si vous le dites, je ne me permettrai pas de contester.

Arthur leva les yeux au ciel, mais tendit finalement les bras. Will l’aida à enfiler la chemise, boutonnant chaque attache d’un geste précis, arrangeant les poignets, tapotant les épaules pour effacer les plis.

— Je reste impressionné par votre capacité à m’habiller sans me laisser protester, souffla Arthur.

— C’est que je ne vous en laisse pas le temps, jeune maître.

Il fit passer la veste à Arthur, ajusta le col, puis recula d’un pas pour l’examiner d’un œil critique.

— Voilà. Vous ressemblez à ces adolescents qu’on croise dans la rue... Un peu plus habillé, mais je ne peux pas faire de miracles avec votre penderie actuelle.

Arthur s’approcha du miroir, tira distraitement sur la manche.

— C’est ridicule, lâcha-t-il, blasé.

Will, déjà en train de ranger les cintres, répondit sans lever les yeux :

— Ce n’est pas ridicule de vouloir se fondre dans la masse. Et soigner ce que l’on offre à la vue des autres ne l’est jamais.

Il marqua une pause avant d’ajouter, d’un ton neutre :

— Surtout lorsqu’on espère, en retour, être vu pour ce qu’on est. Et non pour ce qu’on prétend être.


Habillé pour la journée, Arthur descendit l’escalier en silence, les doigts glissant machinalement sur la rampe de bois patinée. La lumière douce du matin traversait les vitraux du hall, éclaboussant le parquet de reflets rouges et dorés. L’air sentait la cire, les feuilles humides et le sang réhydraté.

Dans la salle à manger, la table était déjà dressée. Carmilla siégeait près de la fenêtre, une jambe élégante croisée sur l’autre, un dossier administratif à la couverture verte entre les mains, frappé du sceau de l’exploitation forestière de Brocéliande. À côté d’elle, un mug de porcelaine fine exhalait l’arôme familier de son « thé » maison : une infusion de sang lyophilisé et d’épices — une recette jalousement gardée. Elle leva les yeux et son visage laissa filtrer un subtil étonnement.

— Arthur chéri qui n’est pas habillé en poète maudit du XVIIIe siècle ? Ta rencontre avec cet... Esteban t’a plus bouleversé que nous ne le pensions ?

Il y avait dans sa voix une ironie qui lui irrita les nerfs.

— J’ai décidé de me rapprocher — vestimentairement parlant — des gens de mon âge. Avec bon goût, répondit-il en s’asseyant face à elle. Et je ne veux pas de réflexion de ta part.

Carmilla haussa un sourcil parfaitement dessiné. Un sourire narquois se dessina sur son visage de porcelaine.

— Est-ce en rapport avec l’incident du lycée ? Ou bien... quelqu’un en particulier que tu voudrais impressionner ? Même si, à mon avis, ce n’est pas dans tes cordes.

— Carmilla..., gronda Arthur.

— Bref, direction la boutique. Elizabeth m’a confirmé qu’ils avaient ta taille en stock pour te rhabiller entièrement.

Will entra sans un bruit, un plateau d’argent entre les mains. Il y avait posé une tasse assortie à celle de Carmilla. Il la déposa devant Arthur avec la précision d’un rituel ancien.

— Votre thé, jeune maître. O négatif, parfum hibiscus et cannelle.

— Merci, Will.

Arthur porta la tasse à ses lèvres. L’odeur métallique, adoucie par les épices, lui monta aux narines, piquante.

Elizabeth fit son entrée, vêtue de son éternel tailleur clair, la démarche souveraine, le visage impeccable.

— Quand partez-vous ? demanda-t-elle, la voix tranchante.

— Bonjour, Elizabeth, répondit Arthur en sirotant son thé.

— Oui, bonjour... Cela dit, je doute que nous ayons tous dormi sur nos deux oreilles.

— La nuit a été mouvementée, confirma Carmilla, un sourire complice accroché aux lèvres.

— Je ne veux pas connaître les détails de vos ébats, trancha Arthur, glacé.

Elizabeth contourna la table pour déposer un baiser sur le front de Carmilla.

— Ni voir..., grimaça Arthur.

— Tu es si dramatique dès qu’il s’agit de désir, soupira Carmilla.

Le mot lui tordit la poitrine. Le désir. Il ne voulait pas y penser.

— Non. Je suis réaliste.

— Un jour, quelqu’un te fera frissonner, murmura Carmilla. Et ton cynisme s’effritera.

Esteban traversa son esprit. Son regard, sa présence. Il secoua la tête pour chasser l’image.

— Arrête de l’asticoter ainsi, Carmilla, coupa Elizabeth.

— Je n’ai même plus le droit de rire. Elizabeth, parfois, tu es d’un barbant...

Elizabeth lui lança un regard glacé qui cloua net toute provocation.

— Avant la boutique, nous passerons par mon bureau, dit Carmilla en refermant son dossier. Je dois voir le nouveau garde forestier du secteur sud.

Elle tapota la couverture verte du bout de l’ongle.

— Transféré d’urgence. Un homme discret, compétent. Il connaît la forêt mieux que certains anciens. Je ne sais pas comment il fait. Il nous cache des choses... mais tant qu’il suit mes ordres, cela m’est égal.

— Il travaille sous ta direction ? demanda Arthur.

— Évidemment. Je supervise cette partie de Brocéliande. Elle exige une vigilance particulière.

Arthur hocha lentement la tête. Brocéliande dévorait les imprudents. Elle réclamait le respect, la crainte... parfois le sacrifice.

— Dans cinq minutes, nous partons, conclut Carmilla en se levant.

— Je peux finir mon breuvage, tout de même ?

— Bien sûr. Je n’ai pas envie d’un vampire prêt à mordre le premier cou venu, répliqua-t-elle sans se retourner.

Elizabeth, silencieuse, sirotait son thé, le regard posé sur lui, attentive.

Arthur la regarda quitter la pièce dans un soupir, puis baissa les yeux vers sa tasse encore fumante. Ce sang dilué. Si fade. Mais indispensable pour maintenir sa « vie de mortel ».


Carmilla l’attendait dans le vestibule, penchée sur l’écran de son téléphone qu’elle rangea dès qu’il apparut. Derrière lui, Will suivait, le manteau noir de mi-saison plié sur le bras. Il aida Arthur à l’enfiler, geste précis, presque cérémonial, tandis que Carmilla ajustait une dernière touche de maquillage.

Elle s’était changée en vitesse. Un tailleur ivoire impeccable, rehaussé de talons rouges aussi élégants que redoutables, des Louboutin, évidemment. Un foulard de soie pâle soulignait la perfection laiteuse de son cou.

— Bien. Tu as fini de taire ta soif.

— Bien sûr. Will a le parfait dosage pour que je tienne la matinée.

— Tu devrais le remercier. Tu as l’air... vivant, aujourd’hui.

Arthur esquissa un sourire crispé.

Ils sortirent ensemble. Dans l’allée, une Porsche 914 rouge lucifer les attendait. Si la Bentley d’Elizabeth incarnait l’assurance froide de l’élégance, la Porsche brillait de vitesse et de vivacité, prête à avaler les routes sinueuses de Bretagne.

Le trajet jusqu’au bureau forestier se déroula dans un silence contenu. Arthur fixait le défilement des arbres, les silhouettes sombres qui semblaient se pencher vers lui, murmurant des secrets qu’il n’entendait pas.

À l’accueil, une odeur de bois humide et de papier ancien flottait. Deux randonneurs discutaient avec un garde en uniforme. Carmilla les ignora, glissant jusqu’au comptoir. La réceptionniste, une jeune rousse, baissa aussitôt les yeux, happée par l’aura glaciale de sa cheffe.

Arthur laissa dériver son regard sur les murs tapissés de cartes anciennes et de photographies en noir et blanc. Une vieille carte jaunie de Brocéliande, gondolée par le temps, attira son regard.

Une voix grave s’éleva derrière lui.

Il pivota, lentement, et découvrit un homme qui venait d’interpeller Carmilla.

— Madame de Trécamelot, vous êtes là. J’aurais besoin de vous parler d’un incident dans ma zone.

— Très bien, justement, je comptais vous voir. Nous pouvons monter dans mon bureau.

Elle se tourna vers Arthur.

— Arthur chéri, attendez-moi ici. Je ne serai pas longue.

Il répondit sur le même ton :

— Bien, mère.

Son regard, pourtant, s’était figé sur l’homme. Une résonance étrange naquit dans sa poitrine, sourde, insistante. Le garde le salua d’un signe de tête avant de suivre Carmilla vers les couloirs.

Grande carrure. Épaules puissantes. Démarche tranquille d’un homme habitué aux sentiers. Un visage marqué par le vent et la vie au grand air. Mais ce n’était pas la carrure ni la démarche qui troublaient Arthur. C’étaient ses yeux. Un gris bleuté, intense. Une profondeur calme, opaque, presque abyssale. Un frisson lui remonta la nuque.

Il l’avait déjà vu.

Pas ici. Ailleurs.

Paimpont.

L’image remonta, précise : la statue de la Dame du Lac, noyée sous la lumière froide. L’immense silhouette immobile, figée devant elle. La jeune fille, tranchante, s’avançant vers lui, colère aux lèvres. Et, en retrait, ce père, regard posé sur eux, tranquille et grave.

C’était lui.

Les poings d’Arthur se crispèrent dans ses poches. Une brûlure lui dévora le ventre. Il dut s’appuyer contre le mur, inspirer profondément. Ce trouble... cette tension inexplicable.

Ce n’est pas possible. J’ai dû me tromper.

— Arthur !

Il sursauta. Carmilla se tenait devant lui, un sourire en coin.

— Tu as fait vite, murmura-t-il, la voix légèrement rauque.

Elle consulta sa montre, haussa les épaules.

— Quinze minutes, tout de même. À quoi pensais-tu ?

— À rien, répliqua-t-il, trop vite. J’étais... ailleurs.

Elle sortit son trousseau de clés et prit la direction de la sortie, ses talons claquant sur le carrelage.

— Allez, on file. Deux réunions m’attendent après. Ce shopping sera expéditif... quel supplice.

— Ce sont juste des vêtements de lycée, souffla Arthur, mais son regard restait fixé sur le couloir où le garde avait disparu.

Un poids brûlant lui étreignait la poitrine. Il n’avait aucun mot pour ça.


Ils regagnèrent la Porsche d’un pas pressé. Une fois assis, Arthur resta muet, les doigts tapotant nerveusement son genou.

Il faut que j’en aie le cœur net... Je me trompe peut-être.

— Dis... le garde forestier avec qui tu parlais, murmura-t-il enfin. C’est le nouveau ?

— Lorentzo Ker Bleiz ? Oui. Il a pris ses fonctions il y a deux jours. Pourquoi ?

— Pour rien.

Carmilla lui lança un bref regard de biais, mais n’insista pas. Arthur garda ses soupçons pour lui.

— Il vient du Pays basque ? reprit-il, le ton presque neutre.

— Oui. Expérimenté, compétent... Son dossier est d’une propreté suspecte. Tu vois le genre.

— Un prénom basque, un nom breton... C’est courant ?

Carmilla pinça les lèvres.

— Je n’avais pas relevé cette bizarrerie.

— Il a une famille ?

— Oh, que oui. Une femme, sept enfants. Une véritable tribu. Je les ai vus lorsqu’on les a installés dans leur maison. C’était... vivant. Trop vivant. Sur le qui-vive, mais unis, solides. Il y avait une tension dans l’air, difficile à définir.

Arthur détourna le regard vers la vitre. La tension, elle, lui nouait la nuque, acide, presque douloureuse.

— Leur maison se situe où, exactement ?

— Dans la partie sud de la forêt. Une habitation moderne, réservée aux gardiens. Ce n’est pas très loin du château.

Elle se tourna vers lui, sourcils légèrement froncés.

— Pourquoi toutes ces questions, Arthur ?

Il haussa une épaule, feignant l’indifférence.

— Il m’a rappelé quelqu’un.

Carmilla arqua un sourcil mais n’insista pas. La voiture roulait déjà sur les pavés de Paimpont. La lumière dorée glissait sur les façades anciennes. Arthur aperçut la silhouette élancée de la Dame du Lac. Un nœud se forma dans son ventre. Rien n’était dû au hasard.

Il s’enfonça un peu plus dans son siège.

— Tu comptes me cacher ce que tu sais encore longtemps ? lança Carmilla, la voix légère.

Arthur hésita, puis souffla :

— Je ne sais pas. J’ai probablement tort.

— Tort sur quoi ?

Il pinça les lèvres. Sa voix, plus rauque, finit par briser le silence :

— Sur l’identité de ton Lorentzo et du reste de sa famille... Il ressemble à Esteban. Celui que j’ai croisé à Paimpont. Le jour du rendez-vous chez le banquier. Celui qui... m’intriguait.

— Oh... fit-elle, un éclat de compréhension traversant ses yeux.

Un sourire étira ses lèvres, indéchiffrable : moqueur, attendri, ou carnassier.

— Celui qui, peut-être, a éveillé quelque chose en toi ? Une coïncidence troublante... Tu es tombé sur un Ker Bleiz.

Arthur se figea.

— Comment ça ? Comment tu sais ça ?!

— Je le sais parce que Lorentzo parle beaucoup de ses enfants. Il nous les a présentés. Tous.

— Alors tu savais... Tu savais que j’avais rencontré leur fils à la fontaine.

— Une coïncidence, répéta-t-elle, le ton détaché. La vie est une boîte de chocolats, Arthur. On ne sait jamais sur quoi on va tomber.

— Tu te rends compte dans quel embarras... Je... Ça veut dire que...

Les mots se brouillaient dans sa gorge.

La Porsche ralentit, se gara devant la boutique. Carmilla réajusta son chignon, ses gestes précis, puis tourna vers lui un regard d’acier. Sa voix claqua, tranchante :

— Cela veut dire qu’il va falloir les surveiller de près. Elizabeth est déjà au courant. Et toi aussi, on va devoir te surveiller. Si Esteban réveille ta Faim... Eh bien, j’en serais ravie. Peut-être reverrai-je enfin le Arthur des États-Unis. Celui qui ne tremblait pas. Celui qui n’était pas une pâle copie d’humain, mais un vrai vampire.

Un frisson remonta le long de son échine. Ce ton-là, chez elle... Il ne l’avait pas entendu depuis longtemps.

Il resta figé, incapable de répondre.

Carmilla descendit sans un mot, enfila ses lunettes de soleil et prit la direction de la boutique, son pas souverain. Elle fredonnait. Tranquille. Glaçante.

Arthur la suivit, silencieux, déstabilisé par l'éclat inattendu de sa noirceur.

Une clochette tinta lorsqu’ils franchirent la porte de la petite boutique. L’odeur de cuir neuf et de coton fraîchement pressé les enveloppa aussitôt. Derrière le comptoir, une femme aux cheveux blancs, tirés en un chignon sévère, les accueillit d’un simple hochement de tête.

— Madame de Trécamelot. Votre... compagne m’a prévenue de votre venue. Pour votre fils. Tout est prêt.

Sans un mot de plus, elle disparut dans l’arrière-boutique. Arthur et Carmilla prirent place dans de profonds fauteuils de cuir, le silence seulement troublé par le froissement discret du tissu sous leurs gestes. Quand la femme revint, elle tenait trois paquets ficelés d’un ruban crème, alignés avec une précision méticuleuse sur le comptoir.

— Nous avons préparé trois ensembles : l’uniforme de cérémonie, les tenues d’hiver, et celles d’été, même si j’ai cru comprendre que vous les possédiez déjà. Quoi qu’il en soit, les mesures de l’an dernier n’ont pas bougé.

— Notre fils est d’une constance désespérante, répondit Carmilla, sourire feutré aux lèvres.

— Des clients idéaux. Mais cela risque de changer... ajouta la commerçante avec un petit rire. Une mère de famille nombreuse va d’arriver. Sept enfants, imaginez. Et, selon ses dires, des gabarits hors norme...

Arthur sentit son estomac se nouer. Aucun doute possible. C’était eux. Les Ker Bleiz. Et s’ils passaient commande ici, cela ne pouvait signifier qu’une chose : ils étaient inscrits à l’Académie.

Carmilla, imperturbable, conserva son masque de politesse.

— Mère, minauda Arthur avec une exagération affectée, n’aviez-vous pas des obligations urgentes ce matin ?

Chez les Trécamelot, le vouvoiement en public n’était pas négociable. Une tradition imposée par Elizabeth, aussi rigide qu’élégante.

Carmilla joua le jeu sans ciller, reprenant le ton souverain qui lui était naturel.

— En effet. J’allais l’oublier. Nous ne vous retenons pas davantage, dit-elle en tendant sa carte Gold.

Arthur se leva, déjà prêt à sortir.

— Ah, ce satané TPE... capricieux ! lança la commerçante. Ne bougez pas, je vais chercher l’autre lecteur.

Elle disparut dans l’arrière-boutique. Arthur, lui, bouillonnait. Ses doigts se crispaient sur la lanière de sa veste. Carmilla se pencha vers lui, sourire acéré au coin des lèvres.

— Vas-tu cesser de t’agiter ?

— Tu ne comprends pas ? Cette famille... Ce sont les Ker Bleiz.

— Évidemment que j’ai compris, répondit-elle, voix basse mais tranchante. Il n’y a pas trente-six familles ici avec sept enfants. Je ne suis pas stupide, Arthur.

— Alors pourquoi restes-tu aussi calme ?

— Parce que ma carte ne passe pas et que je n’ai pas le choix.

Il serra les dents, incapable de contenir la tension qui lui vrillait le ventre.

— Et puis zut. Je vais t’attendre dans la voiture.

— Arthur ! siffla-t-elle, agacée.

Il n’eut pas le temps d’atteindre la porte. La clochette tinta à nouveau.

Et, dans un souffle, la boutique se remplit d’un vacarme vivant.

Les Ker Bleiz venaient d’entrer.



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