Et si l'on écrivait un poème d'amour à partir de mots anciens -défi

Partie écrite par Yvan Theriault québecois (définitions de 10 mots anciens utilisés par des écrivains)

Désenivrer

Faire cesser l’ivresse (ou les illusions)

« Il but un café noir pour se désenivrer avant le conseil. » — Balzac

L’équivalent chic et sobre de “redescendre”.

Avoir l’oreille chagrine

Être sensible aux critiques, même les plus douces

« Ce poète avait l’oreille chagrine ; un seul mot dur le faisait saigner. » — Flaubert

Bien plus distingué que “être susceptible”.

S’ensuquer

S’éclipser discrètement, filer en douce

« Le valet s’ensuqua par l’escalier de service. » — Dumas

Idéal pour nommer une fuite furtive et élégante.

Vespéral

Relatif au soir, aux heures crépusculaires

« Une lumière vespérale dorait les toits de la ville. » — Chateaubriand

Un mot qui transforme n’importe quel coucher de soleil en tableau.

Mirmidon

Petit personnage insignifiant (et parfois prétentieux)

« Ce mirmidon de bureaucrate se prenait pour un ministre. » — Hugo

Parfait pour remettre à sa place un petit tyran.

S’empresser (sens ancien)

Se tourmenter, s’inquiéter inutilement

« Elle s’empressait pour un rien, voyant des malheurs partout. » — Madame de Sévigné

Aujourd’hui, on croit que ça veut dire “se dépêcher”… et on se trompe.

Délicvement

Action de lécher délicatement quelque chose

« Le chat procéda au délicvement méthodique de sa patte. » — (style proustien)

Oui, c’est un mot. Et il est parfaitement léché.

Ondoyer

Onduler doucement, comme les blés dans le vent

« Les blés ondoyaient sous la brise estivale. » — Maupassant

Le mot parfait pour un paysage qui respire.

Avariner

Frapper violemment, avec colère (vieilli)

« Le vieux loup avarina la porte de ses pattes furieuses. » — Zola

Une belle alternative au “frapper fort”, pour un effet sauvage et romanesque.

S’ensommeiller

S’endormir doucement, lentement, presque poétiquement

« L’enfant s’ensommeillait au rythme de la berceuse. » — Colette

Pour les moments où le sommeil est une caresse, pas une chute.

Mon poème

Je n'ai pas l'oreille chagrine

et pourtant, quelquefois j'avarine,

le poing sur la table du salon

devant les réponses de ces mirmidons,

toujours à critiquer, à analyser

mes moindres mots mal employés.

J'oublis tout, à la 1ère lueur vespérale,

tout ce qui m'empressait, s'envole

lorsqu'il me déshabille des yeux,

qu'il me dévore de ses doigts langoureux.

Ses délicvements sur ma peau dorée

sont un plaisir à endurer,

lorsqu'il ondoie sa langue lentement

sur mes courbes, tout devient enchantement.

Je m'ensommeille avec des rêves sucrés

et me désenivre de lui dès mon réveil satiné.

Il m'offre des nuits endiablées

jusqu'au petit jour, avant de s'ensuquer.

J'attends le soir qu'il vienne à moi

pour m'enivrer encore une fois.

Marie Bulsa