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Mon autre moi

Mon autre moi

Pubblicato 30 giu 2025 Aggiornato 1 lug 2025 Drama
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Mon autre moi

Mon autre moi,

Ton corps bouge au rythme de l’eau. Assis, ta veste kaki te donne une forme ronde qui rappelle ton visage et les boucles noires de tes cheveux. D’instinct, je touche les miennes, ébouriffées par l’humidité.

Tu te concentres sur l’accrochage d’un objet flasque en plastique à l’hameçon.

Sans me regarder, tu lances la canne et commences à fixer l’eau.

— Les poissons ne dorment pas la nuit ? J’ose tenter à nouveau de relancer la conversation.

— T’es con ou bien ? Tu crois que je me serais levé à 4 h pour rien ? me réponds-tu en rigolant.

Cela me blesse, encore une fois, mais je ne te le dis pas. Je te regarde, comme si je te connaissais depuis toujours. Comme si nous faisions cela tous les jours, comme si rien n’avait altéré un quotidien bien rangé.

On laisse le froid, l’humidité et la nuit nous anesthésier, comme on sait si bien le faire avec nos silences et les dénis qui entourent nos vies.

Le vide occupe la place de tout ce que l’on devrait se dire. Je lève la tête et je me dis que toutes les étoiles dans le ciel ne seront jamais suffisantes pour transformer la nuit en jour ; tous les petits brins de lien que nous essayons de tisser ne formeront sans doute jamais une toile cohérente. Nous avons pourtant besoin d’une renaissance.

— Tiens, ouvre-le !

Le poisson visqueux et vif que tu jettes sur moi me surprend et me dégoûte.

Je te regarde. Ton sourire de travers m’attendrit. Depuis ton accident vasculaire, ton côté droit penche. Les mots de ta femme me reviennent en tête : « C’est à cause de tout ce qui vous arrive, quoi. »

Je saisis le poisson et un couteau, tu m’attrapes le poignet avant que je ne l’enfonce.

— Mais qu’est’ce’qu’t’emmerdes ? T’es con ou bien ? Il ne faut pas percer la poche des intestins. Après, tu ne peux plus le bouffer.

En te regardant, méthodique et rigoureux, je me dis qu’il y a tant de toi que je ne connais pas. Je connais tes fuites et tes silences, mais je ne connais ni ta délicatesse ni ta précision.

Quand le second poisson arrive, je m’exécute, dégoûtée, mais fière de ne pas m’être trompée. Je te regarde.

— Et tu vas le bouffer, celui-là ?

— Hein ? Non, je suis toujours végétarienne, ça n’a pas changé depuis hier soir.

Je tente un trait d’humour que je sais vain.

— Mais arrête tes conneries ! Plutôt mourir que d’arrêter la viande !


Il est temps de repartir. Les rames en main, je ne te montre pas que j’ai mal, et pour casser ce silence assourdissant, je me décide à te parler de ma maladie.

— Je voulais attendre d’avoir toutes les informations avant de t’en parler, pour ne pas t’inquiéter pour rien.

Je ne te dis pas que j’ai peur d’être une nouvelle fois source d’inquiétude, que j’ai peur pour toi, que je ne veux pas que tu fasses un nouvel incident.

Que depuis que tu me connais, je suis une source d’inquiétude, et probablement jusqu’à ma mort ! Que maintenant je la comprends, que je m’en veux, comme depuis toujours, comme pour tout, tout le temps.

— J’ai une tumeur au cerveau. Elle est petite et bien placée, je vais pouvoir être opérée rapidement.

Comme tu ne dis rien, je continue de te rassurer :

Ils sont positifs sur le fait que c’est un grade II. On n’en a pas la preuve, mais ça ne serait pas encore cancéreux ! C’est cool, j’ai de la chance.


Tu te tournes, comme pour ranger quelque chose derrière toi. Cette fois, tu ne peux pas t’enfuir.

Tu me prends les rames, comme si, tout à coup, il fallait me préserver.

— Bon, ben c’est bien s’ils peuvent l’opérer.

Tu ne me regardes toujours pas. J’ai envie de hurler que non, tu ne peux pas me sortir ton classique : « Bon, ben c’est bien. » Mais j’ai mal au cœur, alors je décide de clore la discussion sur une note positive.

— Mon neurochirurgien est incroyablement humain et compétent, je lui fais confiance. Il est optimiste sur l’opération, mais lucide sur la suite. Ce sera une opération éveillée. J’ai tellement peur. Il m’a parlé des risques d’AVC et de crises d’épilepsie pendant l’intervention. Mais c’est celle qui me laisse le plus de chances. Je le dois à Alba. Grâce à ça, il pourra sans doute prendre de la marge sur mon cerveau sain, et avec un peu de rééducation après ça devrait aller.

— C’est rien, ça. Mon oncle, c’était avec le cœur ouvert.

Putain ! Même dans la maladie, je ne suis pas assez bonne. Il y a toujours quelqu’un qui fait mieux que moi. J’ai envie de hurler.

Je passe mes nerfs sur les rames que je t’arrache. Je saute sur la rive et monte dans la voiture.

Je me calme. Je comprends que, finalement, tout ce que tu fais ou dis, c’est sans te poser de questions. C’est plus facile.


De retour dans la voiture, tu ne dis rien. Et puis, je suis contente d’être simplement là, avec toi, même sans rien dire. Je cherche ce qui nous relie. Je ne trouve toujours pas.

Peut-être notre cœur ?

Tu es profondément altruiste, un être sociable qui aime les gens et qui est aimé en retour. Cela fait vingt ans que tu travailles dans la même entreprise. Tu as des amis de trente ans et d’autres de quatre-vingts. Tu te balades dans cette petite ville comme un homme important que tout le monde connaît. Cette ville qui t’a accueilli après votre fuite de la Sicile.

Tu parles tantôt en français, enfin, plutôt en suisse romand, tantôt en italien, enfin, sicilien. Tu parles avec tes mains, et ton langage de l’amour, c’est l’argent. Le parfait syncrétisme de deux cultures qui n’ont rien à voir.

Comme une enfant qui n’a jamais rien connu, je te donne ma confiance infinie.

Comme une jeune adulte qui s’est fait rouler dessus par les violences de la vie sans que tu ne l’aies protégée, je vois par anticipation mes rêves de renaissance se fracasser, comme la truite que tu assommais contre le bois de la barque quelques heures plus tôt.


Arrivée à la maison, je vais chercher dans mon sac une petite boîte de chocolats avec de la meringue à l’intérieur. Un petit rituel que l’on a depuis que l’on se fréquente.

Je dis « fréquenter » parce que je ne sais pas comment dire.

Quel est le terme technique pour des personnes qui se sont toujours connues, puis ont été séparées ? Se sont retrouvées, mais sont perdues ensemble. Deux personnes qui n’ont rien à communiquer, pourtant tout à se dire. Deux êtres qui étaient là le premier jour et qui seront là le dernier.


Quel est le terme sociologique ou psychologique approprié pour décrire un père qui a été séparé de sa fille par la mère ?

Tout s’est écroulé lorsque ta gamine avait douze ans. Quand elle comprend qu’on t’a arraché à elle. Qu’elle t’a détesté toutes ces années pour des fautes que tu n’avais pas commises, mais desquelles tu ne t’es jamais défendu.

Quand toutes ces provocations pour te faire réagir te glissaient dessus.

Quand tu préférais te concentrer sur ta nouvelle femme et tes deux nouvelles filles.


Rien de ce que je pourrais jamais faire ne suffira face à cette relation sans drame que tu as avec tes autres filles. Je suis heureuse que tu vives cela, mais ça me tue de ne pas en faire partie.

Quel est le terme pour désigner un père encombré d’une fille qu’il a toujours voulu retrouver ? C’était trop tard. Tu as bien fait. Tu as décidé d’avancer, de te réparer avec tes filles et ta nouvelle femme. Et moi je débarque, ouvre tes plaies et exige de toi un amour spontané.

Pourtant, on est là.


Je comprends qu’on a raté notre temps.

Je sais qu’on ne sera jamais que des inconnus liés par le sang.

Je sais que ton honneur, et, j’ose avoir l’arrogance de le penser, ton amour, font que tu t’acharnes autant que moi à tisser une toile dans laquelle on serait heureux.


Quand mon crâne a été refermé que ma tête était enflée, dans le silence assourdissant des soins intensifs, une infirmière est venue me tendre le téléphone en me disant :

— Votre père s’inquiète.

Quand tout tanguait, me faisait vomir, me donnait le mal de mer, je me sentais bien, alors que je venais de traverser le pire. Enfin, j’étais la fille de mon papa.

Ça fait deux ans. Le temps a fait disparaître ton élan. La renaissance à laisser place à une nouvelle mort. J’espère qu’on se retrouvera dans une nouvelle vie.



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