L'Homme voilé (Maroun Bagdadi, 1987)
L'Homme voilé (Maroun Bagdadi, 1987)

"L'Homme voilé" de Maroun BAGDADI est un film méconnu réalisé dans le contexte de la guerre du Liban et qui montre les répercussions de ce conflit jusqu'au coeur de Paris. Le personnage joué par Bernard GIRAUDEAU, ancien médecin humanitaire ayant fini par prendre les armes a importé le conflit en rentrant à Paris puisqu'il traque le responsable d'un massacre de civils dont il a été le témoin. Problème: celui-ci est l'amant de sa fille, Claire (Laure MARSAC) qu'il utilise comme bouclier à moins que ce ne soit Claire qui espère se rapprocher de son père en devenant la maîtresse de Kamal (Michel ALBERTINI). A ce trio vient s'ajouter le commanditaire du meurtre, Kassar (Michel PICCOLI), un rescapé du massacre réfugié à Paris qui fomente sa vengeance contre Kamal d'une manière presque aussi sophistiquée et méthodique que le comte de Monte-Cristo.
"L'Homme voilé" est ainsi un film qui à l'image de "Incendies" (2010) ou de "Taxi Driver" (1976) montre les protagonistes d'un conflit hantés par un passé qui les empêche de vivre et continue à les poursuivre dans le présent. Bernard GIRAUDEAU, à fleur de peau, est habité par son rôle de grand traumatisé qui semble avoir des années de sommeil à rattraper. Ce n'est pas le seul point commun avec le film de Martin SCORSESE, le film baigne dans une atmosphère nocturne et le caractère sanglant et toujours actif du conflit est suggéré par le choix de situer le repaire de Kamal et de sa bande dans le hangar d'un abattoir, au milieu des carcasses d'animaux. Le reste du temps, ils naviguent dans d'autres lieux communautaires que la musique de Gabriel YARED contribue également à rendre dépaysants.
Cependant, le film souffre de plusieurs gros défauts. Les dialogues sont très ampoulés et la direction d'acteurs laisse à désirer ce qui se remarque surtout au niveau des deux jeunes actrices, Laure MARSAC et Sandrine DUMAS qui semblent réciter leur texte et manifestent une certaine raideur corporelle. Plus généralement, leurs personnages d'ados parisiennes bourgeoises qui semblent se mouvoir sans difficulté dans le milieu communautaire libanais sonnent complètement faux. D'ailleurs ces deux lycéennes sont outrageusement sexualisées, le tout dans un lourd climat incestuel: Claire nue devant son père puis maîtresse de l'homme qu'il traque ce que ne manque pas d'exploiter Kassar puis Julie qui vient se donner au père de sa copine. Ca fleure bon l'époque des "nymphettes" chères à Bernard Pivot, celle où personne ne s'offusquait que Gabriel Matzneff recrute ses maîtresses à la sortie du collège. Enfin le point de vue sur la guerre du Liban est partial. Les rescapés du massacre proviennent d'un milieu bourgeois et appartiennent tous à la communauté chrétienne alors que les musulmans sont les grands méchants tueurs d'enfants. J'ai alors repensé avec nostalgie à l'intelligence d'un film comme "Les Aventures de Rabbi Jacob" (1973) où tout le monde en prenait pour son grade, les clichés attribués à chaque communauté étant tournés en dérision comme ceux que Victor Pivert attribue aux arabes sans savoir qu'il a leur chef au bout du fil, celui-ci lui répondant avec ironie: "une vraie tête d'assassin!"
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