Le Complexe : chapitre 06

Le boyau

Antoine fixait l’ouverture par laquelle Pauline s’était engouffrée sans oser baisser les yeux. C’était bien plus facile pour lui de rester à regarder ce passage, que d’affronter le poids des regards de ses amis. Il sentait leurs yeux ancrés sur lui, comme des sangsues avides d’aspirer des réponses qu’il ne pourrait donner.

— Antoine ? s’enquit Anaïs, avec une certaine hésitation, lui offrant l’opportunité d’engager la conversation et de fournir une réponse à ce qui venait de se produire, si tant est qu’il puisse expliquer la scène et les propos.

— Antoine ? ajouta Laurent qui, de son côté, n’envisageait pas de devenir une quelconque gourmandise, sans compter les supplices promis. Il sentait monter une colère en lui, un état qu’il ne soupçonnait pas, mais que la haine de Pauline avait exacerbé. Il était également très perturbé par ce qu’elle savait et avait craché en ce qui concernait ses sentiments pour Anaïs.

Antoine, lui, se contentait de serrer les dents. Il savait que ça ne pouvait être sa sœur. Même enfant, la chose était trop grande, trop volubile. Et, que dire de ces mots acérés, aussi tranchants que les griffes de ses pattes ? Pauline n’en connaissait pas la moitié ni le quart, et si tel était le cas, elle n’aurait jamais pu les utiliser à bon escient.

— Elle est en colère, se contenta-t-il de répondre d’un ton monocorde.

— En colère ! cria Laurent. Tu te fous de la gueule du monde ! Je croyais qu’on voyait des trucs différents tous les trois, mais là c’était pas mon rat, c’était pas ta gifle et ta balafre. C’était ta sœur et on était tous dans la même hallucination ! Et puis c’est quoi tout son baratin ? Je comprends pas où ça mène tout ça.

Instinctivement, tout en déversant sa propre colère, Laurent s’était rapproché d’Anaïs, jusqu’à se mettre entre elle et Antoine. Simultanément pour la protéger et pour ne pas avoir à croiser son regard après les révélations de Pauline quant à ses sentiments.

— Bon sang, mais je sais pas ce qu’elle a voulu dire, répliqua Antoine. Putain, Laurent, on parle d’un fantôme ! D’un truc qui n’est même pas Pauline. Elle parlait à peine quand elle est morte !

— Mais comment elle connaît Mathilde ? continua-t-il de questionner tout en ravalant l’autre question, à savoir comment elle connaissait son amour secret pour Anaïs.

— Justement, Laurent, tu viens de mettre le doigt sur l’absurdité de ce qu’elle a balancé. Pauline n’a pas connu Mathilde. Donc, tout ça, c’est dans nos têtes, c’est pour nous effrayer, nous monter les uns contre les autres. On voit ça dans tous les films d’horreur. Faut garder ça à l’esprit et pas se laisser avoir.

Laurent ne savait plus que penser, cependant ça lui donnait une excuse pour nier