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La Rue de la honte (Akasen chitai, Kenji Mizoguchi, 1956)

La Rue de la honte (Akasen chitai, Kenji Mizoguchi, 1956)

Publié le 4 déc. 2019 Mis à jour le 4 déc. 2019 Culture
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La Rue de la honte (Akasen chitai, Kenji Mizoguchi, 1956)

Le triste sort des femmes au Japon est le sujet de prédilection de Kenji MIZOGUCHI. Pour ce qui fut son dernier film, il dresse le portrait magistral de cinq prostituées du quartier de Yoshiwara à Tokyo (le "quartier de la lumière rouge" du titre en VO, celui de la VF introduisant un jugement de valeur étranger à la pensée de Kenji MIZOGUCHI) à la fin des années 50. Ironiquement surnommé "Le Rêve", le bordel où travaillent ces femmes est un microcosme entrepreneurial à travers le lequel il explore les ravages de cette variante de l'exploitation marchande de l'être humain par son semblable que sont les relations tarifées entre les femmes et les hommes. Le tout dans un remarquable style néo-réaliste quasi documentaire alors que les décors ont dû être reconstitués en studio, les patrons des maisons closes refusant d'ouvrir leurs portes aux caméras. Mais Kenji MIZOGUCHI n'en a pas besoin car étant un client régulier de ces lieux, et sa sœur, une ancienne victime, il les connaît par cœur.

Le film aborde toutes les facettes du problème que constituait la prostitution au Japon en 1956 et qui selon Kenji MIZOGUCHI ne peut être réglé par une loi l'interdisant (en débat au moment du tournage du film qui l'évoque en arrière-plan et adoptée un peu plus tard):

- La misère et l'absence d'un Etat-providence protégeant les citoyens des aléas de la vie. Hanaé (Michiyo KOGURE) est contrainte à la prostitution pour faire vivre son foyer composé d'un mari tuberculeux et d'un enfant en bas âge. Yorie (comme la sœur de Kenji MIZOGUCHI) est vendue à une maison de geishas pour rembourser des dettes ou comme moyen de subsister pour une famille rurale très pauvre. Yumeko qui est veuve a dû se prostituer pour élever son fils.

- L'attrait de l'argent facile. Yorie veut s'en sortir par le mariage ou un métier honnête mais elle déchante quand elle découvre qu'au sein du mariage la femme n'est qu'une esclave domestique et que le travail honnête ne rapporte pas assez pour couvrir les goûts de luxe qu'elle a contracté au contact du monde de la prostitution.

- Le patriarcat oppresseur et la pression sociale aliénante. Mickey (Machiko KYÔ) surnommée ainsi parce qu'elle est l'ancienne maîtresse d'un G.I., s'est révoltée contre son père, un homme d'affaires entretenant de nombreuses maîtresses mais qui s'est vite remarié après la mort de sa femme. Il veut également ramener Mickey dans le droit chemin, non parce qu'il l'aime mais parce que pour lui, rien n'est plus important que la réputation de sa famille et que le métier de Mickey pourrait empêcher sa sœur de faire un beau mariage et son frère une excellente carrière. On comprend pourquoi de toutes les filles, Mickey est la plus cynique et la plus lucide. Même si elle est endettée jusqu'au cou et que les patrons du bordel l'exploitent sous couvert de paternalisme (on rappelle bien dans le film que les filles ne touchent que 40% des gains).

C'est la combinaison de tous ces facteurs qui explique que Yasumi (Ayako WAKAO) soit la seule des cinq filles à parvenir à se sortir du monde de la prostitution. Elle est en effet avare, manipulatrice et sans scrupules, utilisant des moyens crapuleux pour parvenir à ses fins. De quoi définitivement éteindre le "Rêve".

En dépit de scènes psychologiquement difficiles, le film est dénué de tout pathos. Il est plutôt trempé dans une colère froide, clinique, que soulignent tous les plans où l'on voit ces femmes dont Mizoguchi nous a dévoilé l'intimité jetées en pature dans la rue, contraintes de s'avilir en racolant lourdement et vulgairement les passants. C'est toute l'humanité qui en ressort salie et amoindrie. Une colère soulignée également par la musique dodécaphonique dissonante de Toshiro Mayuzumi.

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