« Je suis tombée malade dès le premier jour du confinement. Mon premier reflexe a été de le cacher à mon boss et mon équipe. Le lendemain, j’avais des calls, que j’ai maintenus. Je ne voulais pas être cataloguée. Quelques jours plus tard, la fièvre a été si forte qu’un matin, je n’ai même pas pu préparer le petit déjeuner de mes enfants. J’ai appelé le médecin, qui m’a arrêté jusqu’au 1er avril. J’ai fini par prévenir la RH.

A partir du 1^er avril, on m’a dit que je serai au chômage partiel à 50%. Les services RH et Finance ont continué à travailler à plein temps. Là, tu te dis que tu es inutile, alors que tu as été malade et que tu as essayé de bosser malgré cela. J’avais le sentiment d’être une merde à 50%.

Au bout de 15 jours, je suis repassée à 100%, parce qu’en tant que cadre dirigeant du siège de mon entreprise, je ne pouvais être mise en activité partielle. J’ai retrouvé le sentiment d’avoir une place.

Mes enfants sont petits, 3 et 5 ans, et je ne compte pas mes efforts pour être une bonne mère. Télétravailler et m’occuper d’eux en même temps a été difficile, je leur criais de me laisser enfin tranquille pour travailler ou assurer un call ou une visio. C’était l’horreur de se sentir parfois injuste avec eux, toute cette situation n’était pas de leur faute.

J’avais aussi envie de participer à l’effort général, en faisant une bonne action par jour, mais j’avais peu de temps. J’ai préparé du café pour les clochards du quartier, à qui je descendais un thermos. On a préparé des paniers de fruits et légumes aussi pour la gardienne.

J’ai fait les courses avec les enfants, et ai du affronter les regards haineux des quelques passants que l’on croisait, quand les enfants s’approchaient d’eux ou touchaient les produits dans les rayons.

Tout cela était très anxiogène. Et il fallait malgré tout faire face, au boulot. Porter un masque en quelque sorte.

Dès que ça a été possible, je suis allée travailler au bureau, avec beaucoup de plaisir.

Avec le déconfinement on a tenu les conseils d’administration des startups, en mix présentiel et vidéo. D’habitude, je n’y vais pas. Mais là, y participer me fait plaisir ; ça créé du lien.

Toute l’équipe a déjeuné avec le Président de la boite il y a quelques jours. Les CEOs des startups ont plein d’idées, et je crois que ça a fait du bien à notre Président dans ce monde sinistré. Ça a lui a apporté du souffle.

Ma RH m’a proposé de participer à un groupe de travail « Réfléchir au travail dans le monde de demain ». Plusieurs thématiques sont abordées : coworking, télétravail, mobilité douce, espaces de vie au siège, animation du retour au siège. Elle m’a également inscrite dans une formation 100% digitale sur le leadership dans ce monde nouveau qui s’ouvre ?

Les gens ont peur de retourner au siège. Le télétravail est très encouragé. Le siège peut recevoir 2000 personnes en temps normal, mais actuellement, n’en accueille qu’une centaine. On ne peut être que 4 par ascenseurs, et il n’y en a pas tant que ça.

On nous a demandé de baisser de 10% nos salaires.  Quinze jours plus tard on nous a dit que notre PV serait supprimée. Le CSE a dit ok, pour sauver des emplois.

C’est tellement la bérézina. Je crois quand même que l’on peut sortir son épingle du jeu en période de crise. Tu peux faire partie de ceux qui survivront et peut-être rebondiront mieux.»