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Bien dégagé dans les oreilles

Bien dégagé dans les oreilles

Publié le 17 mars 2020 Mis à jour le 28 sept. 2020 Curiosités
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Bien dégagé dans les oreilles

Bien dégagé dans les oreilles

 

Nous étions disposés en demi-cercle dans les sièges de la ter­rasse du Chamonix Hôtel qui donnait sur le Mont blanc. Notre média planneur nous faisait face. Il était debout. Une petite desserte avait été ins­tallée à sa dis­position avec une brique de jus d’orange et de la wodka Beluga. Cela faisait déjà un mo­ment qu’il avait débu­té sa conférence contradictoire. La montagne écoutait avec at­tention.

– Le film publicitaire est un lieu pleinement positif, le seul où ne subsiste aucune trace de ce qu’a la vie d’équivoque, de compliqué, de corné. La mani­pulation y at­teint son plus haut rendement. Le concepteur publicitaire est un être in­fect, lui-même contami­né par ce qu’il propage : la maladie infantile de l’Envie. Sa part de conscience est très faible, bien qu’il pense le contraire. Il est un réflec­teur neutre, un inducteur. Il n’a pas d’écart avec la mé­canique des affects et des es­thétiques qu’actionne le Marché à travers le cer­veau reptilien, c’est son ta­lent, un don d’éponge.

Le conférencier fit une petite pause très calculée. Les mains dans le dos, il regarda dans la direction du Mont blanc comme s’il consultait son approbation.

– Il est la Voix sinistre et séduisante de la mondialisation. Au­cun re­cul, au­cune marge pour l’expression personnelle. S’il en vient à faire « œuvre d’au­teur », ce salopard intelli­gent appli­quera les mêmes dosages chi­miques de cal­cul d’une attente, de trafic des sentiments mi­métiques, de ci­blages des pu­blics et de criblages de pe­tites formules futiles et atti­rantes pour la mé­moire, comme l’œil l’est par les sphères strobosco­piques de boite de nuit.

Les membres de notre agence de comm’ BB Agency su­bissaient avec fascination cette magie des beaux discours qui plaît tant en France et convainc de faire absolument n’importe quoi contre son inté­rêt ...

 

*

 

Le Mont blanc était virginal, d’une pureté de couvent des Oiseaux, le front dans les nuages, avec sa col­le­rette de neige. Des aigles skiaient le long des pentes.

– Je recommande la télé-réalité comme le but et l’excellence de tous nos efforts : nos jeunes occidentaux y deviennent de purs produits du consumérisme et cosignent la fin de nos va­leurs. Le XXème siècle a voulu changer l’Homme. Ce fut bien trop grossier, de l’avis quasi général. En transformant la planète en épicerie, nous opé­rons avec autrement plus d’efficacité ! Nous obtenons cette nouvelle es­pèce d’humanité : l’individu – c’est-à-dire des objets qui se croient des sujets. Donc des por­teurs du virus de la mar­chandise. Depuis la Grande Guerre, ins­pirée par l’inventivité des procédés de la propagande nazi, grâce aux efforts conjugués des meilleures agences de communica­tion, la publicité empiète enfin sur nos pensées les plus chères. Des émotions intenses sont dé­valuées en pen­sées passe-partout, ré­duites à des slogans, ren­dues à leur banali­té première. Notre vie la plus secrète passe par une fa­brique de tubes et ressort à la chaîne en émotions stan­dard. La publicité avilit, elle arase au plus petit dénominateur com­mun. Les plus belles musiques y sont corrompues, les plus belles pensées tru­quées, les plus beaux senti­ments falsi­fiés, c’est le désirable prostitué sans répit, sans résolution, étendu à toute chose, tout être, jusqu’aux en­fants.

Nous étions subjugués. Cet art de convertir l’or en merde, et son inverse, n’était donné qu’aux plus rou­blards de nos pro­pagandistes. L’assistance restait silencieuse, je dirais presque émue de­vant autant de talent dans l’expiation.

– Mesdames-messieurs, citoyens des colonies améri­caines, mahométans, enfants des Iles, l’Enfer sera de vivre dans un film publicitaire glacé, riant de toutes ses dents pour l’éternité. Le triomphe et l’horreur du vivre ensemble dans la béa­ti­tude des Parfaits.

Le conférencier s’inclina, son panama à la main. Les ap­plaudissements crépitèrent comme une petite pluie. La per­formance avait beaucoup amusé ces esprits ru­sés. Ils s’y re­connaissaient. Elle avait bouché tous les trous.

L’enthousiasme dut se répercuter jusqu’au Mont blanc. Il se produisit un glissement de terrain. Une avalanche s’éboula. Peut-être un gloussement amusé.

 

[l'image est de Manuel Ballester]

A suivre dans http://impeccablemichelcastanier.over-blog.com/

 

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