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Julie - Commerciale dans l'ESS - Feedbacks 360°

Julie - Commerciale dans l'ESS - Feedbacks 360°

Publié le 1 avr. 2021 Mis à jour le 1 avr. 2021 Entrepreneuriat et start-up
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Julie - Commerciale dans l'ESS - Feedbacks 360°

Ce que perçoivent les autres

C’est le jour J ! L’attente commence à être longue. Julie sort du lit tout excitée. Elle va avoir le résultat de ses feedbacks 360° aujourd’hui. Après une année stressante, elle saura enfin si elle est aussi utile qu'elle l'imagine. Son compagnon, déjà parti, lui a laissé des pains au chocolat sur la table. Elle adore ces petites attentions, d’autant plus qu’il aime lui laisser une petite blague sur un post-it.

Ce matin, c’est du carambar : “Que fait une vache avec une radio ? … De la meuhsique !” 

C’est tellement nul que ça la fait sourire. Un café chaud dans sa main droite, son smartphone dans l’autre, Julie consulte ses emails. Elle actualise d'un mouvement de doigt… Rien ! Zut, pense-t-elle, la jeune femme a suffisamment attendu, elle mérite de savoir.

Julie a intégré la société "Couet Branding" il y a tout juste un an. Cette entreprise a l’ambition de donner un maximum de visibilité aux organisations de l’ESS (économie sociale et solidaire) : entreprises, coopératives, associations, etc. Cette raison d’être est incarnée à fond par les 45 salariés qu’elle a rejoints après ses études de business. Elle se retrouve dans un rôle de commercial à 24 ans dans cette entreprise de marketing. De nature anxieuse, l’étudiante redoutait déjà ne pas être à la hauteur pendant son parcours d’enseignement supérieur. Pas surprenant qu’elle se mette autant la pression dans son 1er job. Ce n’est pas la raison d’être de l’entreprise qui l’a attirée chez Couet, elle a plutôt accroché avec ces employés. Cela a commencé avec son ami Lucas qui lui a fait des appels du pied. Il voulait absolument qu’elle rencontre un groupe de collègues. L’ami lui disait “Vous êtes faits pour vous entendre”. Des boute-en-train pour sûr, ils s’étaient bien marrés à la terrasse d’un café. Julie a appris par la suite qu’elle avait démarré un processus d’intégration, sans s’en rendre compte. Quelques verres et un entretien de compétences plus tard , elle avait signé avec ce collectif de joyeux lurons.

Après deux pains au chocolat engloutis et une brûlure à la langue, Julie sent son téléphone vibrer dans sa paume. Ça y est !

Titre de l'email : “Tes feedbacks 360° de l’année” 

Elle oublie de suite le reste de ses affaires, se plonge sur l’application dans laquelle chacun a rentré ses feedbacks. Elle a demandé des retours sur ses actions à deux collègues, Marc avec un rôle plutôt RH, sur l’alignement culturel, et Claire, une commerciale avec qui elle se tire la bourre. À vrai dire la compétition ne stimulait pas tellement sa collègue, Julie avait de meilleurs chiffres qu’elle et aimait la charrier gentiment.

Feedback de Marc (Cercle RH)

Ta persévérance pour intégrer le groupe m’a beaucoup touché. Je perçois un effort significatif alors que tu sembles appréhender parfois nos approches itératives. Peut-être veux-tu être trop parfaite par moment. Ton énergie positive, ton humour et ton optimisme sont un vrai bonheur pour notre collectif. Pour ma part, je pense que tu as toute ta place dans l’équipe. J’ai bien identifié le besoin que tu as exprimé d'être accompagnée pour gagner en autonomie. Tu n’es pas la seule dans ce cas, nous avons décidé avec le cercle RH de lancer une initiative de coaching pour ceux qui le veulent. Merci pour ton engagement dans le projet. Vivement ton prochain sketch.

 

Feedback de Claire (Commerciale)

Je t’apprécie beaucoup, j’aime rigoler avec toi lors de nos pauses café. Les séances jeux de société sont aussi quelque chose, même si tu pourrais peut être jouer plus coopératif parfois ;) Je te perçois comme une commerciale très compétente, engagée dans son travail. Maintenant, je ne suis pas à l’aise avec certaines de tes décisions de vente. Nous avons une raison d’être claire et je suis froissée lorsque je constate des ventes de prestation à des entreprises qui me semblent hors du périmètre ESS. Le chiffre n’est pas une fin pour nous, en tout cas dans mon interprétation de notre culture d’entreprise, et puis nous ne sommes pas au bord de la faillite. Je pourrai te montrer comment je sélectionne mes opportunités pour être sûr de servir notre cause si tu le souhaites. C’est important pour moi qu’on soit tous à fond derrière le projet, pas simplement à fond.

Ce dernier feedback tombe comme un coup de massue. Des larmes se mettent à couler sur le visage de Julie. Après tous les efforts qu’elle a fournis, elle ne serait pas à la hauteur ? La jeune femme rumine ce dernier point, balayant les remarques positives. Trop c’est trop ! Julie décide de ne pas aller travailler aujourd’hui. Après tout, si elle ne sert à rien, autant qu’elle reste au lit. Comme un pied de nez, elle ne prévient pas ses collègues. Habituellement un mot sur l’outil de communication suffit à indiquer qu’on est en télétravail. Ses collègues penseront qu’elle a oublié, il n’en sera rien.

Dans l'après-midi, le téléphone sonne. Julie sort de sa torpeur. C’est Lucas. Il doit être inquiet, car elle n’a pas répondu à ses messages du matin. Cette fois-ci, la commerciale désabusée décroche. Elle lui raconte ce qu’il s’est passé. Il prend de ses nouvelles chaleureusement.

  • Comment te sens-tu par rapport à ça ?

  • Je me sens nulle, ça me fait peur pour la suite… Je trouve ça injuste aussi, sanglote la jeune fille.

  • Elle ne te voulait pas de mal, je connais bien Claire. C’est vrai que notre raison d’être est primordiale, maintenant ce n’est pas tout blanc ou tout noir.

  • Toi aussi tu penses que je fais du mauvais boulot ?

  • Ce n’est pas ce que j’ai dit.

  • Tout le monde le pense en fait, je vais me casser ! Demain je pose ma dém, ce sera mieux pour tout le monde.

  • Ne dis pas de bêtise. Tout le monde t’adore, rappelle-toi pourquoi tu es venue.

Julie  grommelle quelque chose d’incompréhensible.

  • Écoute ce matin on a fait notre rituel carambar, c’est Joe qui s’y est collé, il a accroché son papier de bonbon au frigo puis a mimé la blague “Quel est le comble pour un juge gourmand ?

  • De “manger des avocats”, réplique-t -elle d’une voix plus posée.

  • Exactement, tu aurais vu sa tête pour faire deviner l’avocat, rit Lucas. Réfléchis bien en tout cas. Prends ta journée si tu as besoin de te reposer. N’oublie pas qu’on a besoin et envie de t’avoir parmi nous.

  • Merci Lucas.

Elle raccroche puis se pose sur son lit, pensive et rassurée même si cette histoire de raison d’être lui trotte dans la tête.

FIN.

Analyse intégrale.

Voici les éléments utilisés pour construire cette scène qui montre une friction collective (rappel théorique à la fin de l'article).

 Julie (Agir individuel : comportements)

- Blagueuse, appréciée pour son entrain

- Dissimule son anxiété, ses doutes

- Manque d’autonomie pour le collectif

- Comportement compétiteur plutôt qu’au service de la raison d’être

 Le groupe (Agir collectif : organisation, gouvernance)

 - Recrutement/ Intégration privilégiant la relation humaine et le fun à la compétence

- Feedbacks 360° pour la remise en question / évaluation de fin d’année

- Rituel de mime de blague pour la cohésion

- Horaires flexibles et télétravail

 Julie (Être individuel : aspirations, besoins, valeurs)

- Motivée par l’utilité de son travail

- Besoin de se sentir compétente

- La légèreté, l’humour lui donnent de l’énergie

- Anxiété chronique   

 Le groupe (Être collectif : culture d’entreprise, ADN, mission)

- Culture “Carambar”, le fun est au centre de la vie du groupe

- Valorise l’engagement derrière la raison d’être (servir la cause) + que le résultat

- Test & Learn comme approche projet

Voyez-vous les alignements et les déphasages qui se dessinent dans cette fiction ? Entre les besoins et les actes de Julie, entre l’ADN du groupe et l’organisation en place ?  Quelle est votre analyse ? Comment feriez-vous pour faciliter un engagement maximal, puis un fonctionnement efficient et écologique pour tous dans cette configuration ?

Rappel théorique

L’analyse intégrale, tirée de la théorie de Ken Wilber, cherche à comprendre les causes de la situation faisant intervenir quatre dimensions :

  • L'Être individuel : attitudes, croyances, ego, émotions, sentiments, aspirations, valeurs personnelles.

  • L’Agir individuel : comportements observables (ce que je dis/fais), pratique du pouvoir, modes de communication.

  • L'Être collectif : raison d'être et culture de l'organisation, mission, croyances collectives, mythes, tabous, ADN, valeurs, ambitions.

  • L’Agir collectif : structure, gouvernance, processus, rituels, outils, modes de prise de décisions, réunions, communication, management.

Les quatres dimensions sont interdépendantes, à savoir que :

  • L’individu comme le collectif s’épanouit en alignant son Être et son Agir, des frictions apparaissent dans le cas inverse.

  • Le collectif est une émergence des individus et de leurs relations.

  • L’individu est contraint par le collectif dans son Agir et influencé dans son Être.

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Commentaires (2)

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Maryne Fournier il y a 2 ans

Très intéressant ! Un cas qui me parle ;). J'ai trouvé les collègues très professionnels et pédagogues dans leur approches, si seulement l'on trouvait ça au quotidien.
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Duc Ha Duong il y a 2 ans

Pauvre Julie... Comment se fait-il qu'elle a été surprise par le feedback ? La tension était latente depuis un bon moment sans doute. Cette organisation souffre d'une culture du feedback continu.

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